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27% des journalistes indépendants envisagent de changer de vie

Alors que les États-Généraux du journalisme indépendant battent leur plein, l’AJIQ dévoile à l’instant les résultats d’un vaste sondage sur les conditions de travail des pigistes. Un tableau bien sombre qui révèle notamment que leurs revenus sont 30% en dessous de ce qu’ils étaient en 1981. Analyse de données avec Mariève Paradis, présidente de l’AJIQ.…

Alors que les États-Généraux du journalisme indépendant battent leur plein, l’AJIQ dévoile à l’instant les résultats d’un vaste sondage sur les conditions de travail des pigistes. Un tableau bien sombre qui révèle notamment que leurs revenus sont 30% en dessous de ce qu’ils étaient en 1981. Analyse de données avec Mariève Paradis, présidente de l’AJIQ.

Alors que les États-Généraux du journalisme indépendant battent leur plein, l’AJIQ dévoile à l’instant les résultats d’un vaste sondage sur les conditions de travail des pigistes. Un tableau bien sombre qui révèle notamment que leurs revenus sont 30% en dessous de ce qu’ils étaient en 1981. Analyse de données avec Mariève Paradis, présidente de l’AJIQ.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Alors qu’ils gagnent en moyenne 80% seulement des revenus d’un journaliste québécois moyen, 72% des journalistes indépendants se disent  insatisfaits de leur rétribution et 66% d’entre eux ont vu leur pouvoir d’achat diminuer au cours des cinq dernières années. Et encore, pour arriver à ces chiffres, les pigistes sont obligés de se diversifier et d’accepter des contrats en dehors du journalisme, ce qui peut parfois poser des problèmes éthiques. Ainsi, 26% des répondants avouent qu’il leur arrive de contrevenir au code de déontologie.

Bref, un portrait bien sombre.

«C’est vrai, analyse Mariève Paradis, présidente de l’AJIQ. Nous ne voulons pas tomber dans le misérabilisme, mais mieux vaux se dire les vraies choses. Oui, on gagne moins bien notre vie à la pige qu’en étant salarié. Et oui, ça fait 25 ans que l’AJIQ existe et rien n’a changé. C’est même pire à en croire les répondants. Nous avons essayé plein de choses, notamment de sensibiliser les journalistes les plus jeunes pour qu’ils n’acceptent pas n’importe quelles conditions. C’est un constat d’échec. Mais ce qui nous rassure et nous encourage, c’est la volonté de changement. Seulement 3% des répondants affirment que le statu quo est envisageable.»

Fossé  homme-femme

Un portrait sombre qui, globalement, ne surprend pas la présidente de l’AJIQ. Quelques points sont cependant particulièrement venus la chercher et la renforcer dans l’idée qu’il fallait vraiment agir.

«Le fossé entre les hommes et les femmes en matière de revenus notamment, explique-t-elle. Naïvement sans doute, je pensais que dans le domaine du journalisme à la pige, nous n’avions pas ce problème. Il faudrait creuser plus car il s’avère aussi que les femmes travaillent moins d’heures que les hommes, mais est-ce parce qu’elles font le choix de la conciliation travail-famille? Le sondage ne le dit pas.»

Autre donnée qui l’inquiète particulièrement, le fait que 27% des répondants disent envisager de quitter le journalisme indépendant d’ici deux ans. Parmi les 120 personnes ayant répondu au sondage, quatorze avaient d’ailleurs déjà fait le pas, et si 21% d’entre eux sont devenus des journalistes salariés, la grande majorité a quitté le métier. Principale raison invoquée, la faiblesse des revenus.

«C’est très triste parce que ce sont généralement des journalistes de talent, qui travaillent avec beaucoup de précision et de rigueur, estime Mariève Paradis. C’est une grande perte pour la profession, mais aussi pour toute la société.»

Négociation collective

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Mais tout n’est pas noir dans ce sondage et la bonne nouvelle pour l’AJIQ, c’est que trois répondants sur quatre envisagent comme la meilleure des solutions pour mettre fin à leurs maux, la négociation collective. Un dossier que l’association porte depuis sa création et qui consisterait en un package minimum en dessous duquel les patrons de presse ne pourraient pas descendre.

«On parle d’une rémunération minimum, de contrats type ne reniant pas sur les droits d’auteurs et les droits moraux, mais aussi d’assurances type assurance-salaire par exemple, qui sont aujourd’hui inabordables, pourquoi pas de cotisation à un régime de retraite, tout est envisageable, explique Mariève Paradis. Ce qui n’empêcherait pas les journalistes de négocier à la hausse en fonction de leur expérience, de leur expertise ou de leur réputation. Mais il y aurait, pour tous, une base décente, un peu comme c’est le cas avec l’Union des artistes.»

Mariève Paradis a récemment été élue à la tête de l’AJIQ avec la promesse de tout tenter pour faire avancer ce dossier, et elle est entrée en contact avec le ministre de la culture et des communications Maka Kotto à ce sujet. Et ce n’est pas maintenant qu’elle a le soutient clair de ses membres qu’elle va lâcher.

«On a vu ces derniers jours à quoi pouvait mener la mobilisation et la solidarité, avec le recul de TC Media, rappelle la présidente. Si 74% des journalistes indépendants sont pour la négociation collective, qu’ils se fassent entendre sur les réseaux sociaux notamment. Et nous, nous allons travailler fort en ce sens.»

Pour plus d'infos:

Les résulats complets du sondage AJIQ sur les conditions de partique des journalistes indépendants

Les faits saillants du sondage

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