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Corruption au Québec: Maclean’s a manqué de rigueur

Le Conseil de presse du Québec (CPQ) juge que le controversé dossier de Maclean's sur la corruption au Québec, publié en septembre, manquait de rigueur et véhiculait des préjugés discriminatoires. Le Tribunal d'honneur de la profession blâme le journaliste Martin Patriquin et le chroniqueur Andrew Coyne, de même que la direction du magazine et son…

Le Conseil de presse du Québec (CPQ) juge que le controversé dossier de Maclean's sur la corruption au Québec, publié en septembre, manquait de rigueur et véhiculait des préjugés discriminatoires. Le Tribunal d'honneur de la profession blâme le journaliste Martin Patriquin et le chroniqueur Andrew Coyne, de même que la direction du magazine et son rédacteur en chef, Kenneth White.

Le Conseil de presse du Québec (CPQ) juge que le controversé dossier de Maclean's sur la corruption au Québec, publié en septembre, manquait de rigueur et véhiculait des préjugés discriminatoires. Le Tribunal d'honneur de la profession blâme le journaliste Martin Patriquin et le chroniqueur Andrew Coyne, de même que la direction du magazine et son rédacteur en chef, Kenneth White.

Un brûlot

En septembre, le magazine anglophone avait soulevé l'indignation au Québec en publiant un dossier fort controversé sur la corruption dans la province. Plaçant en une le Bonhomme Carnaval, symbole culturel du Québec, il titrait «La province la plus corrompue du Canada», ce qui lui avait valu de virulentes critiques. Même Carole Beaulieu, la rédactrice en chef de L'actualité avait pointé le manque de rigueur de ses collègues, leur attribuant «un gros zéro». Magazine frère de Maclean's au sein du groupe Rogers, L'actualité lui avait répondu en publiant lui aussi un numéro sur la corruption:

L'émission Tout le monde en parle de Radio-Canada a récupéré la rivalité entre les deux publications en invitant sur son plateau le journaliste Martin Patriquin et le chroniqueur de L'actualité, Jean-François Lisée, début octobre:

 

À l'unanimité, les sept membres du Comité des plaintes et de l’éthique de l’information (CPEI) du CPQ se sont rangés derrière l'évaluation de Carole Beaulieu. Ils jugent la direction du magazine coupable de manque de rigueur journalistique et expression de préjugés «pour avoir coiffer la une du magazine et l’article de M. Patriquin d’un titre affirmatif (The most corrupt province) laissant croire à une analyse comparative alors que l’affirmation n’est jamais démontrée et que l’article porte plutôt sur des perceptions».

Un jugement divisé

Par contre, les membres du CPEI ne blâment pas le magazine pour avoir utilisé l'image du Bonhomme Carnaval. Le plaignant, l'ancien président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Gilles Rhéaume, reprochait à Maclean’s «d’avoir utilisé et bafoué l’image du Bonhomme Carnaval qu’il considère comme une figure nationale, rassembleuse, un symbole de l’identité québécoise». S'il admet que le choix éditorial du magazine est discutable, le CPQ estime qu'il tient de la liberté rédactionnelle et ne contrevient donc pas aux règles déontologiques.

Par ailleurs, les membres du CPEI ne condamnent pas à l'unanimité les textes de Martin Patriquin et Andrew Coyne. Trois membres du comité sur sept jugent en effet que «le chroniqueur Coyne est demeuré dans les limites acceptables de la liberté d’expression». Quant à la démarche journalistique de Martin Patriquin, un membre estime qu'elle était «conforme aux règles de l’art, puisqu’il a interrogé un large éventail de personnalités politiques, de tous les horizons, en incluant certaines voix discordantes».

Au moment de la sortie du brûlot, l'éditorialiste de La Presse, André Pratte, avait été un des rares à exprimer lui aussi son appui au journaliste de Maclean's. «La une est sensationnaliste, mais le reportage comme tel respecte les règles de l’art. On n’y dit pas que la corruption est exclusive au Québec ni qu’elle est inscrite dans nos gènes. L’auteur, le journaliste Martin Patriquin, souligne que l’histoire politique québécoise est marquée par un nombre de scandales plus élevé que celle du reste du pays; ce fait est indéniable.»

L'histoire se répète

Ce n'est pas la première fois que la Conseil de presse du Québec blâme une publication anglophone pour le regard qu'elle jette sur la belle province. En 2000, l'organisme sermonnait le journaliste Daniel Sanger et le magazine Saturday Night pour un article intitulé «Plus froid plus blanc: dans le Vieux Québec, le nettoyage ethnique passe par les départs». Gilles Rhéaume était également plaignant dans ce dossier, en compagnie de l'ancien maire de Québec, Jean-Paul L'Allier.

Le magazine Saturday Night, dans lequel écrivaient notamment le chef libéral Michael Ignatieff et l'écrivain Mordecai Richler, n'existe plus. Néanmoins, ce blâme n'a pas écorché la carrière de Daniel Sanger. Fondateur du Mirror et collaborateur régulier de plusieurs publications de renommée internationale, dont The Economist, il a remporté en 2003 le Prix du magazine canadien pour son travail d'enquête sur les Hells Angels. Cette investigation lui a également permis d'être finaliste pour le Prix Arthur Hellis d'excellence en journalisme criminel.

 

Voir aussi:

La couverture de Maclean's mériterait un gros zéro

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