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«La loi sur l’accès à l’information a mal vieilli»

En trente ans, elle n’a pas atteint son objectif principal, celui d’en finir avec la culture du secret qui règne au sein des organismes publics. C’est le point de vue de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et de son président Brian Myles, qui a défendu son mémoire devant la commission parlementaire chargée…

En trente ans, elle n’a pas atteint son objectif principal, celui d’en finir avec la culture du secret qui règne au sein des organismes publics. C’est le point de vue de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et de son président Brian Myles, qui a défendu son mémoire devant la commission parlementaire chargée de la révision quinquennale de ce texte.

En trente ans, elle n’a pas atteint son objectif principal, celui d’en finir avec la culture du secret qui règne au sein des organismes publics. C’est le point de vue de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et de son président Brian Myles, qui a défendu son mémoire devant la commission parlementaire chargée de la révision quinquennale de ce texte.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Vers un gouvernement ouvert. Le titre du mémoire de la FPJQ en dit long sur l’échec de la loi sur l’accès à l’information, entrée en vigueur en 1982 et qui n’a produit que peu d’effets. Pire, selon certain journalistes, elle serait même contreproductive. Dans une entrevue accordée au magazine Trente, le grand reporter André Noël, aujourd’hui enquêteur pour le compte de la Commission Charbonneau, se plaint que la loi soit devenue un bouclier dont les organismes publics et les hommes et femmes politiques se servent pour ne pas divulguer de l’information.

«En s’adressant à la Commission d’accès à l’information (CAI), écrit-il, on entre dans un engrenage juridique qui permet aux organismes publics, d’abord de justifier leur refus initial, ensuite de gagner du temps en allongeant les procédures et enfin de gagner carrément leur cause parce que les décisions de la CAI sont plus aberrantes les unes que les autres depuis quelques années.»

Exceptions et prétextes

Les travaux en vue de la révision de la loi ont été lancés en commission parlementaire le 9 avril dernier. Bernard Drainville, ministre des institutions démocratiques et ancien journaliste, assure lui aussi vouloir aller vers un gouvernement ouvert. Il admet que la loi sert parfois d’avantage à «bloquer l’accès plutôt qu’à le faciliter» et promet que «toutes les pierres seront retournées».

Si Brian Myles salut la qualité d’écoute de la commission et l’intelligence des débats, il prévient cependant que c’est toute la culture du secret qu’il faudra changer.

«Les documents produits par les ministères et les municipalités sont de propriété publique, affirme-t-il. Ils devraient donc être disponibles rapidement et facilement. La loi a très mal vieilli. Sous couvert de respecter la vie privée, on y a intégré des exceptions qui font en sorte que des cadenas sont mis sur les documents. En théorie, tous sont publics sauf exception, mais en pratique, tous sont confidentiels à de rares exceptions qui mènent à la divulgation.»

Aléatoire

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L’article 34 demeure le plus décrié. Il stipule qu’un «document du bureau d’un membre de l’Assemblée nationale ou un document produit pour le compte de ce membre par les services de l’Assemblée n’est pas accessible à moins que le membre ne le juge opportun». Un article qui s’applique également aux membres du cabinet d’un élu, ainsi qu’aux organismes scolaires et municipaux.

«C’est complètement aléatoire, fustige Brian Myles. La jurisprudence a évolué de façon telle qu’on peut toujours utiliser des prétextes pour empêcher ou retarder la divulgation d’informations. Il suffit maintenant qu’un document passe sur le bureau d’un avocat pour qu’on évoque le secret. Enfin, il a été rajouté à la loi que seuls les rapports et études dont la diffusion présente un intérêt pour l’information du public doivent être publiés. C’est la porte ouverte à tous les refus et cette réserve doit être biffée.»

«Petite noirceur»

À l’issue de son passage devant la commission parlementaire, la FPJQ a déposé 24 recommandations. La première, de laquelle toutes les autres découlent, demande à ce que Pauline Marois indique publiquement et clairement que l’État s’engage dans un processus de gouvernement ouvert qui repose sur la transparence, l’ouverture, la participation du public et la collaboration.

Les modalités de règlement des litiges devraient également être revues. Le dispositif est aujourd’hui tellement lourd et judiciarisé qu’il profite à la partie ayant le plus de temps et de moyens pour défendre sa cause devant la CAI, à savoir l’administration.

La loi doit être révisée tous les cinq ans. Elle aurait dû l’être l’été dernier mais le déclenchement des élections a empêché les députés de se pencher sur la question. Si Bernard Drainville semble acquis à la cause, il n’en reste pas moins qu’il a déjà nombre d’autres projets de loi en attente sur son bureau. Aucune décision ne devrait donc être prise d’ici plusieurs mois. En attendant, conclut Brian Myles, «les journalistes québécois vont continuer faire l’expérience de la «petite noirceur» qui empêche l’information de circuler et voile la vie en démocratie».

 

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