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«A few comments in English, please» : être journaliste anglophone au Québec

Au Québec, les journalistes anglophones ne sont pas légion. Non seulement doivent-ils composer avec une quantité de postes limitée, mais il leur faut également négocier avec le bilinguisme approximatif de plusieurs intervenants et le défi de travailler dans une langue seconde.   Au Québec, les journalistes anglophones ne sont pas légion. Non seulement doivent-ils composer…

Au Québec, les journalistes anglophones ne sont pas légion. Non seulement doivent-ils composer avec une quantité de postes limitée, mais il leur faut également négocier avec le bilinguisme approximatif de plusieurs intervenants et le défi de travailler dans une langue seconde.

 

Au Québec, les journalistes anglophones ne sont pas légion. Non seulement doivent-ils composer avec une quantité de postes limitée, mais il leur faut également négocier avec le bilinguisme approximatif de plusieurs intervenants et le défi de travailler dans une langue seconde. Parmi les irréductibles, on retrouve Christine Long, journaliste à CTV depuis bientôt 15 ans, et Brendan Kelly, journaliste à The Gazette et CBC radio, qui cumule aujourd’hui 27 ans de métier.

Par Samuel Larochelle

En 2013, les postes de journalistes anglophones se limitent à ceux du quotidien The Gazette, des stations de radio CBC et CJAD/CHOM, ainsi qu’aux réseaux télé Global, CTV et CBC. « J’ai longtemps travaillé pour le Montreal Mirror qui n’existe plus aujourd’hui, rappelle Brendan Kelly. Ce n’est pas évident à Montréal. Si tu cherches un poste, c’est beaucoup plus simple de trouver à Toronto ou Vancouver. » 

Christine Long affirme que le contexte montréalais est insécurisant. « Si je devais trouver un nouvel emploi comme journaliste, ce serait compliqué. J’aurais l’impression de faire un pas en arrière si je travaillais pour CBC et Global. À 18 h, le bulletin de nouvelles de CTV rejoint 250 000 téléspectateurs, alors que Global en a 5000 et CBC 3000. Je crois que ce serait plus simple d’aller en relations publiques, si je devais quitter le métier. »

À quand mon tour ?

Le faible mouvement de personnel est un autre facteur déterminant dans la vie des journalistes anglophones. « Ceux qui travaillaient quand j’ai commencé ont près de 65 ans maintenant, et plusieurs sont encore en poste, lance Brendan Kelly. Beaucoup de journalistes de ma génération ont choisi de quitter vers d’autres grandes villes canadiennes. Certains pour des raisons politiques, d’autres pour avoir plus de possibilités d’emplois. »

Dans un contexte où les postes se font rares, la compétition venant des francophones travaillant en anglais n’est cependant pas mal perçue. « Il faut des francophones dans notre salle de nouvelles, soutient Christine Long. CTV doit représenter Montréal avec des journalistes de plusieurs origines ethniques et linguistiques. C’est important que les téléspectateurs puissent se « voir » à l’écran. »

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Kelly côtoie lui aussi plusieurs francophones d’origine à CBC et The Gazette. « S’ils sont capables d’écrire ou de parler anglais sans problème, je vois difficilement quelqu’un se plaindre de ça. On vit au Québec, c’est naturel que certains francophones travaillent en anglais. C’est un peu plus rare que l’inverse se produise, mais je crois que les nouvelles générations d’anglophones seront plus bilingues qu’avant. »

Épuisante, la traduction simultanée ?

Si l’idée de travailler constamment dans les deux langues épuise bon nombre de personnes, le cerveau de Christine Long est depuis longtemps habitué de traduire en simultané. « Avec le temps, on oublie carrément si la conversation a lieu en français ou en anglais. Étant donné que je suis spécialisée en culture, je connais bien le lexique du milieu. C’est naturel pour moi. Je prends mes notes en anglais, mais je retiens quelques citations en français. Des fois, je préfère même ne pas traduire certains noms ou expressions. »

Les journalistes anglophones se butent toutefois à plusieurs artistes unilingues et des événements où personne n’est prêt à parler anglais à la caméra. « C’est dommage, parce que les relationnistes sont au courant que les équipes de CTV, Global et CBC sont dans la pièce. Il nous faut quelques clips en anglais pour la télé », allègue Christine Long.

Version originale, s’il vous plait

Lors d’une entrevue pour la presse écrite, Brendan Kelly préfère toutefois que ses intervenants parlent dans leur langue d’origine. « Ici, la plupart des gens sont plus à l’aise en français. Ils s’expriment plus librement et ça nous permet d’aller plus en profondeur. J’évite généralement de faire une entrevue avec quelqu’un qui n’est pas en mesure d’exprimer son point de vue clairement en anglais. Si la personne n’est pas 100 % bilingue, on discute en français. Ensuite, je m‘assure de traduire les citations en restant le plus fidèle possible à la pensée de la personne interviewée. »

Quand on demande à Brendan Kelly s’il a déjà eu envie de déménager dans un milieu majoritairement anglophone, le journaliste répond par la négative. « Je pourrais vivre ailleurs, mais j’aime Montréal. C’est ma ville. Et le fait de travailler dans les deux langues, c’est un plus pour moi. J’évolue dans les deux mondes et je trouve ça très intéressant. »

Même son de cloche du côté de Christine Long. « J’ai déjà travaillé comme photographe à Londres et fait de la radio au Japon. J’ai bien aimé mon expérience, mais je préfère rester ici. Je me trouve très gâtée de couvrir les arts et spectacles à Montréal. »