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De l’élan pour le journalisme international

Par Chantal Francoeur Une aspirante journaliste décrit son rêve: être correspondante internationale. D’autres osent à peine le dire à voix haute, de peur que leur aspiration soit jugée trop ambitieuse. Les entrevues d’admission au baccalauréat en journalisme de l’UQAM le montrent. Parcourir la planète, marcher dans les traces d’Albert Londres, George Orwell, Joseph Kessel, Anne Nivat,…

Par Chantal Francoeur

Une aspirante journaliste décrit son rêve: être correspondante internationale. D’autres osent à peine le dire à voix haute, de peur que leur aspiration soit jugée trop ambitieuse. Les entrevues d’admission au baccalauréat en journalisme de l’UQAM le montrent. Parcourir la planète, marcher dans les traces d’Albert Londres, George Orwell, Joseph Kessel, Anne Nivat, ça fait encore et toujours battre le cœur. Les journalistes en herbe sont-ils des romantiques utopistes?

Par Chantal Francoeur

Une aspirante journaliste décrit son rêve: être correspondante internationale. D’autres osent à peine le dire à voix haute, de peur que leur aspiration soit jugée trop ambitieuse. Les entrevues d’admission au baccalauréat en journalisme de l’UQAM le montrent. Parcourir la planète, marcher dans les traces d’Albert Londres, George Orwell, Joseph Kessel, Anne Nivat, ça fait encore et toujours battre le cœur.  

Les journalistes en herbe sont-ils des romantiques utopistes? Le journalisme international est-il toujours pertinent, sur cette planète branchée où la distance et le temps ne connaissent pas de frontière? Dans son livre «Journalisme international», Jean-Paul Marthoz répond qu’il faut éviter de tomber dans «l’euphorie communicationnelle». Parlant des années 1960, il écrit: «N’en savions-nous pas plus, alors, sur la guerre du Vietnam que nous n’en savons aujourd’hui sur la guerre en Irak?» Selon lui le journalisme international est nécessaire en cette ère de concentration des médias, accélération des cycles de l’information, course à l’audience et explosion de l’industrie de la communication.

Comment pratiquer le journalisme international? Marthoz suggère de visiter un musée. Rentrer dans un café. Flâner dans les rues. Prendre le transport en commun. Visiter un marché public, une librairie. Assister à une cérémonie religieuse pour entendre le sermon. Cela permet de sentir un pays, identifier ses fiertés, ses tabous, consulter son baromètre politique. Sinon, écrit-il, passer de l’aéroport à l’hôtel, puis rejoindre les collègues au lieu où se passe un évènement, c’est une promesse de clichés et de stéréotypes.

Au moment d’écrire le reportage, Marthoz dit qu’il faut quitter les «sphères de l’émotion», pour tenter de comprendre et faire comprendre les luttes de pouvoir, les recours aux prétextes de la religion ou de la race pour masquer des rivalités politiques. Ne pas mettre l’accent seulement sur les victimes, dit-il. Les journalistes internationaux doivent «regarder la complexité du monde» et expliquer les facteurs politiques, économiques et historiques derrière les situations et les crises. Il faut aussi pratiquer une forme de «journalisme transversal», pour relier des sujets «trop souvent fragmentés par l’organisation traditionnelle» des salles de nouvelles. Il suggère de faire du «reportage multi-sites» impliquant la participation de plusieurs correspondants quand c’est nécessaire.

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De même, Marthoz rappelle que les principes de base du métier – la distance critique, le doute, la vérification, l’indépendance d’esprit, le courage – sont essentiels. En effet, il faut du courage pour dépasser «le spectre de la déloyauté et de la trahison», comme ce fut le cas après le 11 septembre 2001 quand le porte-parole de George Bush a proclamé: «Vous êtes avec nous ou contre nous». Pas facile alors pour les journalistes de sortir des rangs.

Le «retour du religieux et le choc des civilisations» est le contexte dans lequel le journalisme international contemporain se pratique. Le respect de l’autre et la liberté d’expression deviennent difficiles à concilier, écrit Marthoz. L’auteur suggère des lectures complémentaires – notamment Edward W. Saïd sur l’Islam – pour réfléchir à ces questions. Il utilise le néologisme «glocalisation» pour suggérer aux journalistes internationaux de revoir la notion de proximité, dans un contexte où le local est global et le global est local.

Pour les futurs journalistes qui se demandent comment financer le journalisme international, Marthoz n’offre pas de réponse. C’est une des rares questions non abordées dans «Journalisme international», un livre intéressant qui embrasse large. S’adressant aux étudiants et aux enseignants au journalisme, l’ouvrage va aussi intéresser les jeunes et les vieux routiers qui veulent réfléchir à leur pratique. L’auteur croit au journalisme international, «en dépit de ses faiblesses et de ses dérives». Il est d’accord avec les aspirants journalistes qui en rêvent: le journalisme international demeure l’une des formes «les plus prestigieuses du métier» en raison de sa «flamboyance et de sa gravité». Et parce que «la presse a été et reste un acteur décisif pour la dignité et la solidarité».

Marthoz, Jean-Paul. 2012. Journalisme international. Nouv. éd. Bruxelles : de boeck, 279 p.