Journalisme ambigu aux Jeux de la com
Par Aurélie Lanctôt
L’épreuve de reportage journalistique écrit des 16e Jeux franco-canadiens de la communication, mettant en concurrence des apprentis journalistes issus de neuf universités de l’Est du Canada, voguait cette année de manière ambiguë entre le reportage d’information et le publireportage. Analyse de la dérive inquiétante d’une compétition sensée mettre de l’avant l’excellence dans la pratique journalistique pour mieux former la relève.
Par Aurélie Lanctôt, étudiante au baccalauréat en journalisme à l’UQAM
L’épreuve de reportage journalistique écrit des 16e Jeux franco-canadiens de la communication, mettant en concurrence des apprentis journalistes issus de neuf universités de l’Est du Canada, voguait cette année de manière ambiguë entre le reportage d’information et le publireportage. Analyse de la dérive inquiétante d’une compétition censée mettre de l’avant l’excellence dans la pratique journalistique pour mieux former la relève.
Annuellement, neuf universités francophones de l’Est du Canada prennent part aux Jeux franco-canadiens de la communication (JDLC). Chaque université doit constituer une délégation d’une trentaine d’étudiants qui prendront part à une des 13 épreuves liées à un champ d’études en communication.
Pour les apprentis journalistes, une épreuve de reportage journalistique écrit est toujours organisée. Les participants sont alors appelés à produire un reportage. Les critères d’évaluation et de rédaction sont laissés à la discrétion du Comité organisateur. Bien que ludique, cette compétition se veut un reflet de la réalité professionnelle qui attend les étudiants après leurs études.
«Un vrai scoop» à offrir aux délégués
Cette année, l’épreuve de reportage journalistique écrit était commanditée et présentée par le Journal de Québec. L’organisatrice, Kathryne Lamontagne, également présidente du Comité organisateur des JDLC 2012 et journaliste au JdeQ, a orchestré une épreuve où les délégués devaient composer avec des contraintes temporelles serrées pour la production d’un reportage d’actualité brûlante.
Initiative inédite dans le cadre des JDLC, une entente avec le Journal de Québec prévoyait que le reportage couronné par le jury ferait la une du quotidien le lendemain de l’épreuve. Le journaliste gagnant remporterait également un stage d’une semaine au Journal.
«Nous voulions organiser une épreuve collée autant que possible sur la réalité des journalistes, au quotidien. C’est pour ça qu’on a organisé une vraie conférence de presse. Les délégués devaient ensuite produire un article principal, un side et une dépêche dans un laps de temps très précis, comme dans la vraie vie», explique-t-elle.
Le matin de l’épreuve, les délégués étaient conviés à un point de presse organisé uniquement pour eux. L’organisatrice précise avoir travaillé de connivence avec «la gang de SportAccord» pour obtenir une annonce exclusive spécialement pour l’épreuve. Il s’agissait d’avoir «un vrai scoop» à offrir aux délégués pour rendre l’épreuve plus excitante.
Avant le dévoilement de la nouvelle, des ententes de confidentialité ont été signées par tous les participants, pour éviter qu’ils ne divulguent la nouvelle avant sa publication au Journal. Pour Mme Lamontagne, il fallait à tout prix éviter que les délégués ne «s’auto-scoopent». Les participants ont également dû céder leurs droits sur tous les contenus produits dans le cadre de leur épreuve.
[node:ad]Quant au scoop qui ferait l’objet du reportage, le Journal avait appris que John Colins, directeur des opérations de la Ligue nationale de hockey (LNH), serait présent lors du 10e Congrès SportAccord au Centre des congrès de Québec, en mai. Les organisateurs du Congrès à Québec se réjouissaient de l’ajout de cette grosse pointure du monde du sport à leur liste de conférenciers. La Ville de Québec qui a engagé 500 000$ en fonds publics dans l’organisation de l'évènement et est partenaire du financement du nouvel amphithéâtre de Québec, aux côtés de Quebecor, s’enthousiasmait devant ce présage alléchant pour l’éventuel retour de la LNH dans la capitale nationale. Cette annonce était donc toute désignée pour faire la une du JdeQ, samedi 10 mars 2012.
Cinq intervenants ont été réunis en conférence de presse pour faire l’annonce aux journalistes délégués. De tous les invités conviés, un seul n’était pas impliqué dans l’organisation, le financement du Congrès SportAccord de Québec, ou tributaire des retombées de cet évènement. Quant au jury chargé d’établir le classement final et de choisir l’article à publier, il était formé d’une journaliste du Journal de Québec, de son rédacteur en chef, ainsi que d’une membre du conseil d’administration du congrès SportAccord et du Centre des Congrès de Québec. Sur la page web des JDLC 2012, cette dernière est cependant présentée comme la présidente de l’agence Fernandez communications et ancienne journaliste.
«Il ne s’agit pas de journalisme»
À ce sujet, la professeure de journalisme à l’UQAM, Chantal Francoeur, remarque: «Il est aberrant de soumettre un article voué à publication à quelqu’un qui y est partie liée!». L’information présentée dans un reportage journalistique doit en effet être indépendante de toute influence promotionnelle ou corporative. Aussi, l’article 5 c du code déontologique de la FPJQ est clair: «Les journalistes ne soumettent pas leurs reportages à leurs sources avant de les publier ou de les diffuser».
Or, bien que les intervenants de la conférence de presse n’étaient pas appelés à se prononcer sur le reportage, on peut questionner la participation d’un membre de l’organisation de SportAccord à la décision ordonnant la publication. Kathryne Lamontage précise cependant que l’attachée de presse du Congrès n’était présente sur le jury que pour assurer l’exactitude du contenu des reportages.
Quant à la démarche imposée aux journalistes délégués, l’article 1.2 du Code déontologique du Conseil de presse stipule que «le travail journalistique comporte une démarche et un processus de recherche et de collecte des données préalables au traitement et à la diffusion des informations», mais que «cette démarche ne doit souffrir ni entraves ni contraintes indues». Or, dans ce cas-ci, la nouvelle à rapporter était pré établie et l’angle du reportage circonscrit par l’imposition des intervenants. «À mon sens, il ne s’agit pas de journalisme», déclare la professeure Francoeur. Il s’agissait donc strictement de mettre à l’épreuve la capacité des délégués à retransmettre les propos d’une conférence de presse.
De plus, au sortir de la conférence de presse, les délégués ne pouvaient pas joindre quiconque pour compléter l’information reçue ou diversifier les interventions. Pour Chantal Francoeur, l’entrave à la libre démarche journalistique semble évidente, d’autant plus qu’une tierce personne pouvait imposer ses propres critères pour orienter le contenu des reportages.
«On a fait ça comme ça pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité, tout simplement. Peu importe la région de laquelle provenaient les délégués, ils n’étaient pas désavantagés. Aussi, même si les intervenants et le sujet étaient imposés, encore fallait-il savoir poser des questions pertinentes. En cela, les délégués devaient, oui, faire appel à leurs compétences journalistiques», défend Kathryne Lamontagne.
Pour justifier l’apparente partialité des invités rassemblés en conférence de presse et l’impossibilité pour les participants de diversifier les propos recueillis, l’organisatrice évoque simplement le fait que tous les intervenants nécessaires à la rédaction du reportage attendu étaient déjà présents. Elle ne jugeait donc pas pertinent de donner l’opportunité aux délégués de faire appel à une ressource extérieure.
Certains participants ont souligné un certain malaise quant à l’imposition du sujet, de l’angle et des intervenants. «J’étais profondément mal à l’aise en écrivant mon article, parce que j’avais l’impression qu’il fallait que je rapporte le plus conformément possible les propos de gens qui ne voulaient que me vendre leur salade», confie une déléguée, perplexe. «J’essayais de trouver un angle, de diversifier les positions de mes intervenants, parce que c’est ce qu’il faut faire, il me semble, dans un reportage à part entière, mais j’ai fini par réaliser que c’était impossible, qu’on voulait nous imposer un angle précis: celui mis de l’avant par les invités présents», ajoute-t-elle.
May 25, 2012
Ohhh que l’interprétation est
Ohhh que l'interprétation est mauvaise. Quelle mauvaise foi envers une organisation qui travaille bénévolement à donner une expérience qui colle à la réalité à des futurs communicateurs.
De un, il n'a jamais été question que le texte gagnant fasse "la une" du JdeQ, mais bien qu'il soit publié. Ce n'est pas "Le Journal" qui a appris le scoop, mais bien moi, l'organisatrice. Il est faux de dire que "tous les invités" étaient liés avec le Congrès Sport Accord ou le JdeQ. En effet, des experts, 100% indépendants étaient sur place. En même temps, on fait une conférence de presse sur une nouvelle en lien avec la Ville de Québec et le Congrès Sport Accord…. normal que les principaux intervenants s'y trouvent.
Il est aussi faux de prétendre que l'angle du reportage était déjà ciblé. En effet, il ne suffit que de lire les reportages produits à cet effet pour constater la grande variété d'angles et d'information que les apprentis journalistes ont réussi à cibler. De l'excellent travail dans la grande majorité des cas.
Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une "épreuve", faite dans un cadre" fictif". Il aurait fallu informer Chantal Francoeur de cette situation, avant de lui poser des questions.
Il aurait aussi, été intéressant de voir quelle "déléguée" était perplexe face à cette épreuve. C'est drôle, je n'ai reçu des mauvais commentaires que d'une université face à cette épreuve… Et c'est drôle… l'auteure de ce texte provient exactement de la même. Et sa seule "experte" consultée pour écrire cette "analyse" aussi. Conflit d'intérêt? Rigueur journalistique? Permettez-moi de remettre le tout en doute. Bref, une "analyse" de très mauvaise foi.
May 25, 2012
Vous dites :
« il n’a jamais
Vous dites :
On ne peut pas être juge et partie. On ne peut pas prétendre à l'indépendance lorsque, de fait, le capital financier du média pour lequel on travaille contribue lourdement aux changements dans la vie locale, nationale ou internationale que ce soit au niveau social, financier ou politique. Oui, la réalité des médias nord-américains est compliquée et oui, il est très difficile de prétendre à une indépendance totale — un doux rêve ? — des médias, peut-être plus particulièrement au Québec. Néanmoins, quand on se fait prendre les doigts dans la confiture, la moindre des choses est de s'essuyer la bouche avant de dire « c'est pas moi, c'est le pot qui est tombé tout seul ! »
May 25, 2012
J’ai un peu de difficulté à
J'ai un peu de difficulté à comprendre en quoi une épreuve fictive puisse intéresser Projet J à ce point. Sans compter que de telles accusations peuvent être très nuisibles pour un comité bénévole qui s'est débattu pendant près d'un an afin d'offrir aux futurs communicateurs de l'est du Canada des épreuves qui collaient le plus possible à la réalité des professions ciblées, ainsi que pour les Jeux franco-canadiens de la communication dans leur ensemble.
Ayant été chef de l'une des délégations qui a participé à la 16e édition des Jeux franco-canadiens de la communication, il me semble que l'épreuve, dans son format, nous a été présentée par le comité organisateur non seulement lors de la rencontre des chefs de janvier 2012, mais aussi en août 2011 dans un format qui était presque inchangé entre les deux rencontres. De plus, le vote servant à déterminer l'approbation finale de cette épreuve fut unanime. L'ensemble des chefs étaient donc au courant des modalités des épreuves, ce qui comprend cette dernière.
Si des informations n'ont pas été partagées aux membres d'une délégation, les laissant ainsi perplexe quant au déroulement de cette dernière, il ne faudrait pas accuser le comité organisateur de bévues éthiques, mais plutôt tenter de déterminer où l'information s'est perdue en chemin.
May 25, 2012
ET! Il faut dire que
ET! Il faut dire que l'article qui a été publié portait une mention très claire sur l'auteur qui avait remporté un concours aux Jeux de la Comm. et le contexte de la rédaction de la nouvelle.
May 25, 2012
Il y a un manque flagrant de
Il y a un manque flagrant de contextualisation dans votre analyse.
On parle des Jeux de la communication, une compétition amicale, qui réunit 350 étudiants provenant de 9 universités francophones de l'est du pays.
L'épreuve reportage journalistique est une "simulation" où les participants doivent s'improviser journaliste. Le choix que le comité organisateur a fait – et qui a été approuvé par toutes les délégations participantes – a été de mettre sur pied une conférence de presse où tous auraient accès aux même sources. Le but, c'était de voir comment 9 journalistes, qui ont accès aux mêmes intervenants, peuvent faire sortir un maximum d'information pertinente sur un sujet donné.
C'est certain que nous ne pouvons reproduire entièrement une journée type dans la vie d'un journaliste qui travaille dans un quotidien. Nous sommes en contexte de "compétition". Le but est de s'en rapprocher le plus possible avec toutes les contraintes propres à ce genre d'événement.
Il faut penser à une notion d'équité dans ce cas-ci. Si on avait lancé les étudiants de Moncton ou d'Ottawa dans la capitale, on nous aurait reproché de favoriser, par exemple, les délégués de l'Université Laval, qui bénéficieraient d'une meilleure connaissance de leur ville que les autres. Notre meilleure manière de "rendre tout le monde content", c'était de créer cette épreuve dans un "laboratoire", soit lors d'une conférence de presse.
Je tiens d'ailleurs à soulever une question, proposée par un ami: "un journaliste qui se présente en conférence de presse pour écouter des relationnistes X fait-il du journalisme tel que l'entend Mme Chantal Francoeur dans l'article?"
Kathryne Lamontagne
Journaliste judiciaire au Journal de Québec
Chroniqueuse
Bachelière en communication, profil journalisme, profil international
Étudiante à la maitrise en journalisme international (avec mémoire)
May 25, 2012
Bonjour Aurélie,
J’ai été
Bonjour Aurélie,
J'ai été journaliste assez longtemps pour ne pas remettre en cause le droit de critiquer, de susciter la réflexion. C'est un devoir, ou plutôt, pour ma part, une conviction.
Ceci étant dit, je trouve dommage de comparer une épreuve des Jeux de la comm à la «vraie vie». Ce n'était pas la «vraie vie», et personne n'a jamais prétendu qu'il en serait ainsi.
Oui, je suis impliquée sur les conseils d'administration concernés.
À titre d’administratrice bénévole, dois-je le souligner.
J'ai fondé une entreprise de communication, il y a 5 ans, au terme d’une carrière de journaliste fort stimulante. Et comme tous les administrateurs qui donnent de leur temps gratuitement à des organisations, j'ai un boulot dans la vie.
Pas d’amibiguité possible de ce côté-là.
Je souhaite que tu saches que l'idée de Kathryne, je l'ai trouvée originale, créative. En étant consciente des limites, j'aurais apprécié vivre ce genre de «pratique» lorsque j'étudiais en journalisme, ne serait-ce que pour l'effervescence d'une conférence de presse ou pour le temps réel consacré à la production quotidienne.
C'est sur cette base que les invités, les organisateurs et Mme Hellman ont accepté d'y participer bénévolement. Très franchement, le congrès se termine et il a été largement couvert. Nous n'avions pas besoin de «diriger» de l'information en amont pour en mousser sa tenue.
Je ne répondrai pas pour le Journal de Québec, mais j'estime que l'édition des textes s'est réalisée selon les règles de l'art, et qu'il n'y a pas de mal à soutenir les initiatives de ses employés en favorisant, de surcroît, la relève dans le métier. Que j’aie lu les textes ne change rien puisque je n’en ai pas changé une virgule. On appele cela de l’éthique.
Je n'hésiterais pas à m'impliquer encore, à soutenir d'autres initiatives, sans égard à l'entreprise de presse qui en serait partenaire.
Au plaisir,
May 27, 2012
Excusez-moi, mais vous tentez
Excusez-moi, mais vous tentez à nouveau de faire dévier le débat sur des questions qui s'éloignent du sujet qui nous préoccupent, à savoir le degré d'indépendance d'une épreuve présentée à des candidats à une compétition « amicale ».
Qu'on organise une conférence de presse, même fictive, pour « simuler » la journée d'un journaliste ne me pose aucun problème. Mais, ce qu'on reproche précisément à cette épreuve, c'est le manque d'indépendance vis-à-vis du sujet : pensez-vous sincièrement que vous tiendriez le même discours, si on demandait en ce moment la ministre de l'Éducation, Mme Courchesnes, de faire une conférence de presse sur la crise étudiante, toujours dans le cadre de ces jeux de la Com', d'y inviter qui elle souhaite et d'évaluer avec ces interlocuteurs — Jean Charest ? — les candidats-journalistes qui y sont présents au regard du travail qu'ils auront produit ?
Vous excuserz ma comparaison volontairement grossière, mais j'essaie d'illustrer mon propos avec des choses concrètes.
Je crois que vous avez beaucoup de mal à prendre du recul par rapport au scoop que vous avez appris forcément par des canaux privilégiés directement liés aux appartenances de votre groupe de presse. Je ne vous attaque pas personnellement ; je pense même que chaque journaliste fait comme il peut/veut pour avoir les informations les plus exclusives. Là où ça pose problème, c'est sur le résultat attendu. Si vous aviez voulu vous rapprocher de la journée d'un journaliste, pourquoi avoir empêché les candidats d'aller chercher d'autres sources d'informations et d'être contraint de rapporter ce qu'ils avaient pu capter à la conférence de presse ?
Je réitère ce que j'ai déjà dit : si on considère que rapporter ce qui s'est UNIQUEMENT passé dans une conférence de presse est du journalisme, on n'a pas appris et on ne fait pas le même métier. On peut évaluer les capacités d'un journaliste à ses aptitudes à aller chercher d'autres sources d'information, à mettre en perspective des informations dans un contexte, puis dans un autre et à trouver des angles originaux, à dénicher les interlocuteurs les plus pertinents et les plus inattendus sur un sujet, mais certainement pas en se basant UNIQUEMENT sur ses capacités de synthèse, ce qui ressort visiblement de l'épreuve que vous avez organisée. Les aptitudes à la synthèse et à la rédaction sont certes importantes, mais annexes, au regard de ce qu'est ce métier ; vous le savez aussi bien que moi.
Vous semblez dire qu'en organisant une épreuve de style reportage, ce serait mettre en difficulté les journalistes qui ne sont pas originaires de la ville organisatrice des jeux. Mais quel journaliste n'est pas en difficulté chaque jour lorsqu'il part à la chasse à l'info ? Chaque jour, n'insérez-vous dans votre carnet d'adresses deux ou trois noms/lieux/sources supplémentaires parce que vous êtes allée les chercher ? Et si ces candidats avaient au moins la possiiblité d'être évalués sur la pertinence de leur angle de traitement, du choix de leurs interlocuteurs, de leur capacité à vérifier l'inff… bref tout ce qui fait notre quotidien de professionnel, et non pas sur leur capacité à régurgiter de façon plus ou moins synthétique ce que des intervenants peuvent dire lors d'une conférence de presse, pensez-vous qu'ils auraient le sentiment d'être défavorisés/favorisés les uns par rapport aux autres ? Avec 9 candidats, ne serait-il pas plus pertinent d'organiser une vraie conférence de rédaction le matin, avec un chef de pupitre/rédacteur en chef — comme dans les vrais médias — en exposant une vingtaine de sujets potentiels, en prenant en compte les idées de ces candidats, de regarder qui est emballé par quoi, d'essayer de déceler les intérêts personnels de chacun, de discuter ENSEMBLE des angles à traiter et d'évaluer chacun de ces reportages en fin de journée au regard des possibilités maétrielles de chacun ? Ça « simulerait » certainement mieux la réalité quotidienne du journaliste et sTimulerait sans doute plus les candidats qu'une conférence de presse bridée qui, quoique vous en pensiez mais je le répète, ne sert que les intérêts du groupe pour lequel vous travaillez — vu que c'est publié dans le Journal de Québec et que la mention « dans le cadre de… » ne change rien au problème soulevé par l'auteure de l'article.
Quant à la question soulevée, elle, par votre ami et que vous nous soumettez, j'ai beau lire et relire l'article, je ne décèle pas le sous-entendu que vous avez lu dans les propos de Chantal Francœur. Maintenant, est-ce qu'un journaliste fait son travail en se rendant à une conférence de presse ? Oui. Est-ce qu'un journaliste doit poser les questions les plus pertinentes à cette conférence de presse pour faire correctement son métier ? Oui. Est-ce qu'il doit se contenter de ladite conférence de presse pour écrire/réaliser son reportage ? Non, non et re-non ! Or, ce n'est pas la « simulation du quotidien du journaliste » que vous avez proposez au jeux de la Com'.
May 27, 2012
À l’instar d’un autre
À l’instar d’un autre intervenant, je suis passablement étonné de la tribune choisie pour tenir ce débat. Le matériel produit par les participants des Jeux de la communication au cours des années (reportages écrits, radiophoniques et télévisuels, concepts publicitaires, plans de gestion de crise, etc.) n’a jamais été destiné à une diffusion au grand public: je saisis donc mal pourquoi, tout à coup, l’organisation se fait vilipender sur un site web qui se veut un observatoire de la profession journalistique en entier.
On me répondra que le cas qui nous occupe est différent, dans la mesure où l’article gagnant de l’épreuve de Reportage journalistique écrit a été publié, dans un quotidien d’envergure de surcroît. Fort bien. Il me semblerait alors pertinent de diriger nos questionnements vers le Journal de Québec, qui devrait le cas échéant défendre sa décision de publier un «scoop» dont le contenu a visiblement été édulcoré par une opération de relations publiques. Nulle part, toutefois, n’ai-je trouvé le point de vue du JdeQ dans l’article de Mme Lanctôt.
Maintenant, en ce qui concerne les JDLC eux-mêmes… Rappelons qu’il s’agit d’une compétition qui, oui, tente d’offrir une simulation de la réalité la plus fidèle possible mais qui, malgré son côté formateur, n’a pas la prétention d’être une «école» de quoi que ce soit. L’événement n’est pas chapeauté par les institutions qui en sont hôtesses ni par aucun ordre ou fédération de professionnels. Les apprentissage que les participants tirent de leur expérience sont manifestes, mais n’ont pas à être soumis aux mêmes standards que les acteurs de l’industrie ou les écoles de journalisme. Il faut prendre les JDLC pour ce qu’ils sont, point.
Les JDLC s’avèrent par ailleurs un événement très complexe à organiser et à tenir : il arrive donc que certaines épreuves soient mieux ficelées que d’autres. Ayant moi-même été co-organisateur de la mouture 2011 présentée à Sherbrooke, je ne commencerai pas à jouer à la «belle-mère» sur cette tribune et à juger les choix des organisateurs de cette année. Mais sur le strict plan de l’épreuve, c’est-à-dire en me concentrant sur l’expérience offerte aux neuf participants, je ne peux que me surprendre de l’abus de langage de Mme Lanctôt lorsqu’elle évoque une «dérive inquiétante». Je le répète, si quelqu’un doit répondre de cette confusion des genres entre journalisme et relations publiques, c’est bien le Journal de Québec, pas les organisateurs d’un événement tenu en circuit fermé. Et tant qu’à me répéter, je ne saisis toujours pas comment une question aussi pointue et concernant un public aussi restreint (en l’occurrence les personnes qui ont déjà gravité dans l’univers des JDLC ou qui seront appelées à le faire dans le futur) se retrouve sur ce forum.
Dans un autre ordre d’idées, je suis agacé par le fait que Mme Lanctôt s’identifie comme étudiante au baccalauréat en journalisme à l’UQAM sans préciser qu’elle a fait partie de la délégation de cette université aux Jeux 2012. Cette omission ne discrédite pas forcément son «analyse» de la situation, mais je trouve pour le moins paradoxal de lire un texte dénonçant une confusion qui soit signé par une auteure qui est partie prenante du sujet.
Simon-Olivier Lorange
Journaliste au pupitre, La Presse
Participant aux JDLC (2005-2009) et co-organisateur des JDLC 2011
May 28, 2012
M. Gadeau,
Vous dites:”Si
M. Gadeau,
Vous dites:
"Si vous aviez voulu vous rapprocher de la journée d'un journaliste, pourquoi avoir empêché les candidats d'aller chercher d'autres sources d'informations et d'être contraint de rapporter ce qu'ils avaient pu capter à la conférence de presse ?"
Ma réponse:
Nous sommes dans un contexte de compétition, qui se tient à Québec. Les délégués proviennent de neuf universités de l'est du Canada. Pour que cette épreuve soit "équitable", nous tenions à ce que chacun des participants aient accès aux mêmes ressources. Une conférence de presse avait donc été organisée et cinq intervenants avaient été dépêchés sur place. Après la conférence de presse, les délégués détenaient une demi heure pour poser toutes les questions qu'ils voulaient aux intervenants, en entrevue individuelle. Il était donc possible, durant ces 30 minutes, de confronter les intervenants, de leur poser des questions, de revenir sur ce qui s'était dit en conférence de presse et d'aller plus loin. Donc non, ce n'était pas que "rapporter" comme vous dites.
Et c'est ce que la grande majorité des aspirants journalistes ont réussi à faire, avec brio. La grande variété des questions et des réponses ont d'ailleurs donné des reportages extrêmement différents les uns des autres, traduisant des multiples angles possibles d'exploiter dans cette affaire. La description de l'épreuve, votée à l'unanimité par les neuf délégations (incluant celle dont fait partie Mme Lanctot), ainsi que les reportages produits sont disponibles ici: http://www.jeuxdela.com. Je vous invite, sincèrement, à les consulter.
Les candidats ont par ailleurs été évalués sur la pertinence de leur angle de traitement et sur la qualité de leurs textes. La grille d'évaluation (parce que oui, même s'il n'y a pas de grille d'évaluation dans la "vraie vie", il en faut une en compétition) est aussi disponible sur le jeuxdela.com
Vous dites:
"Vous semblez dire qu'en organisant une épreuve de style reportage, ce serait mettre en difficulté les journalistes qui ne sont pas originaires de la ville organisatrice des jeux. Mais quel journaliste n'est pas en difficulté chaque jour lorsqu'il part à la chasse à l'info ?"
Ma réponse:
Vous avez raison. Mais remettez-vous dans le contexte des "jeux". Ce format d'épreuve, en "laboratoire", a été voté par toutes les délégations participantes aux Jeux. Par soucis d'équité, oui, c'est le choix que nous avons fait, en concertation avec les participants. Je répète: on tente de se coller le plus possible à la réalité, mais on reste dans un contexte de compétition amicale, avec toutes les contraintes que l'organisation d'un tel événement implique.
Vous dites:
"Avec 9 candidats, ne serait-il pas plus pertinent d'organiser une vraie conférence de rédaction le matin, avec un chef de pupitre/rédacteur en chef — comme dans les vrais médias — en exposant une vingtaine de sujets potentiels, en prenant en compte les idées de ces candidats, de regarder qui est emballé par quoi, d'essayer de déceler les intérêts personnels de chacun, de discuter ENSEMBLE des angles à traiter et d'évaluer chacun de ces reportages en fin de journée au regard des possibilités maétrielles de chacun ?"
Ma réponse:
Vous voyez gros pour cette épreuve, et c'est bien. Mais pour reprendre une célèbre expression qui aura marqué les Jeux, en 2008, c'était "logistiquement impossible" de parvenir à un tel résultat. N'oubliez pas que le comité organisateur est bénévole. Il a à concilier avec le transport, le logement, la nourriture et le divertissement de 350 étudiants, qui s'affrontent durant 5 jours dans 13 épreuves liés de près ou de loin à leur domaine d'études.
***
Ce que je tente de vous faire comprendre, c'est qu'il n'y a pas de scandale, ici. Le comité organisateur a travaillé avec transparence avec les neuf délégations depuis août 2011. Le partenariat avec le Journal de Québec a été rendu public peu de temps après cette date. J'ai mis la main sur ce scoop quelques jours avant la tenue de l'épreuve et j'en ai fait bénéficier des aspirants journalistes, qui ont pu travailler sur une "vraie nouvelle" et qui couraient la chance de voir ce travail laborieux être publié dans le quotidien le plus lu dans la région.
Sachez aussi, que peu importe la "nouvelle" que j'allais trouver, le Journal s'était engagée à la publier. Le Journal de Québec n'a pas été à la recherche d'un scoop quelconque, je n'ai reçu aucune pression pour mettre la main sur une nouvelle intéressante. Le Journal de Québec collaborait avec nous, donnant ainsi la chance à un participant d'être publié, ce qui n'a pas de prix pour un aspirant journaliste. Je le répète: le Journal de Québec s'était engagé à publier le reportage, peu importe son sujet, en autant qu'il soit remis dans un contexte de Jeux.
Par la plus belle des chances, j'ai eu ce scoop. La manière dont j'ai obtenu ce scoop ne vous regarde pas. Aucune personne qui se prétend journaliste dans ce monde ne vous dévoilera le centième de ses démarches pour en arriver à un tel scoop. Je répète: l'entente de publication dans le Journal de Québec était prise bien avant la découverte de ce dernier. Le reportage a été publié, avec une mention spécifique pour le mettre en contexte d'épreuve, en mars 2012, ne soulevant étonnament aucune indignation dans la société.
Alors s'il vous plait, cessez de me porter de mauvaises intentions. Ce discours – ainsi que celui d'Aurélie Lanctot – relève de la mauvaise foi.
May 29, 2012
Merci à tous pour vos
Merci à tous pour vos commentaires. Il est rare qu'un article de ProjetJ
suscite autant de réactions, ce qui nous semble en soi très positif.
Certains d'entre vous avez souligné qu'il s'agit d'un événement surtout
ludique et festif plutôt que professionnel. D'autres ont évoqué les
contraintes particulières de rédaction d'un texte dans un très court
délai. Cependant, compte tenu que les Jeux de la com s'inscrivent dans un
cadre universitaire et puisque le texte primé a été publié par un
quotidien, les questionnements éthiques soulevés par Aurélie Lanctôt sont
tout à fait pertinents et méritaient d'être publiés.
On ne peut pas simplement banaliser l'affaire parce que "ce n'est pas la
vraie vie". Au contraire ! Il s'agit d'une question éthique fondamentale
sur laquelle il faut se positionner dès les études si on aspire à
pratiquer le métier avec une certaine crédibilité. Or la composition du
jury, auquel siégeait un représentant de l'organisme SportAccord, apparaît
clairement inacceptable pour un concours censé récompenser une production
journalistique.
Tout cela n'est peut-être qu'un jeu, mais c'est le genre de situation à
laquelle certains d'entre vous serez confrontés dans la pratique, surtout
si vous travaillez dans le journalisme de service et/ou de consommation (y
compris une bonne partie du journalisme culturel). Comme quoi la dérive
promotionnelle ne se pratique pas seulement dans les médias appartenant à
Quebecor.
Nous espérons sincèrement que cet article et les discussions qu'il a
suscitées permettra à chacun de réfléchir et de développer son jugement
critique face à sa propre pratique. Je vous rappelle enfin que vos commentaires et vos
propositions de textes seront toujours les bienvenus à ProjetJ.
Colette Brin
Membre du comité éditorial