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Lac-Mégantic: «L’appel du retour à la région a été plus fort que tout»

Si la plupart des journalistes qui ont couvert la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic il y a tout juste un an disent avoir été marqués à vie, c’est encore plus vraie pour Katy Cloutier. Méganticoise d’origine, ce drame dans sa ville natale l’a poussée à quitter le métier et à faire un trait sur sa carrière,…

Si la plupart des journalistes qui ont couvert la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic il y a tout juste un an disent avoir été marqués à vie, c’est encore plus vraie pour Katy Cloutier. Méganticoise d’origine, ce drame dans sa ville natale l’a poussée à quitter le métier et à faire un trait sur sa carrière, au moins temporairement, pour se mettre au service de sa communauté.

Si la plupart des journalistes qui ont couvert la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic il y a tout juste un an disent avoir été marqués à vie, c’est encore plus vraie pour Katy Cloutier. Méganticoise d’origine, ce drame dans sa ville natale l’a poussée à quitter le métier et à faire un trait sur sa carrière, au moins temporairement, pour se mettre au service de sa communauté.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Lorsque ProjetJ l’a contactée, Katy Cloutier venait tout juste de refermer un dossier qu’elle a géré de mains de maitre pendant plusieurs semaines, celui du passage du Grand défi Pierre Lavoie dans sa petite ville à jamais défigurée de Lac-Mégantic.

«C’est certain que dans mes nouvelles fonctions de coordinatrice des événements spéciaux au service des loisirs, ici, ma carrière de journaliste est d’une aide précieuse, assure-t-elle. Notamment parce que, pour avoir travaillé en information en continu, je suis capable de gérer la pression. Dans une ville comme Lac-Mégantic où rien n’est facile, tout est émotif, c’est primordial. J’arrive aussi, et de plus en plus au fur et à mesure que les mois passent, à prendre du recul par rapport à l’événement. Je sais mener plusieurs dossiers de front, composer avec les médias aussi, leur parler, faire passer le message clairement, j’ai le souci de toujours chercher à avoir le portrait le plus global possible d’une situation, je suis à l’aise sur les médias sociaux. J’aime ça, c’est tellement naturel pour moi que j’ignorais même que je savais le faire!»

Katy Cloutier a passé plus de dix ans dans des salles de nouvelles. D’abord en région, puis à LCN et enfin au service des sports de Radio-Canada. Elle a fait de la radio, de la télévision, elle a écrit pour le web. Lorsque le train de la MMA a transformé le cœur de sa ville en un champ de ruines le 6 juillet dernier, elle sortait d’une dépression majeure. La vie montréalaise, le stress du travail, la conciliation travail-famille avec ses deux jeunes enfants… elle trouvait sa situation difficile mais son métier la passionnait assez pour avoir la volonté de trouver une solution et continuer.

«C’était le rêve de ma vie»

«Je me suis tout de suite dit qu’il fallait que je fasse quelque-chose pour ma ville, et de cette volonté est sortie le spectacle Unis pour Lac-Mégantic, qui a permis de recueillir des dons. Je n’ai pas tout de suite su que j’allais arrêter ma carrière. Mais l’appel du retour à la région a été plus fort que tout, raconte-t-elle, la gorge visiblement nouée. Quand je suis arrivée ici, je ne savais pas ce que j’allais faire. J’ai eu des propositions pour continuer à être journaliste localement. Pour faire des chroniques aussi. J’en étais incapable. Je ne pouvais pas rapporter de la nouvelle liée directement à la tragédie. C’était au-delà de mes capacités émotionnelles, je n’avais pas le détachement nécessaire. Et j’avais beaucoup plus envie de participer véritablement à la reconstruction qu’être ici en tant qu’observatrice.»

Arrivée à la fin du mois d’aout  pour que ses enfants fassent la rentrée scolaire à Lac-Mégantic, elle se dit juste que sa ville va avoir besoin de gens qui auront envie de contribuer.

«Ça m’a pris du courage de le faire, estime-t-elle avec ces quelques mois de recul. J’avais une bonne situation à Radio-Canada, je n’étais pas certaine de savoir faire autre chose que du journalisme, je travaillais aux sports, c’était le rêve de ma vie.»

Des regrets? Katy Cloutier répond ne pas avoir fermé totalement la porte à sa carrière. Le journalisme, c’est ce qui l’a composée, ce qui lui a permis de développer ses capacités professionnelles, d’acquérir de l’expérience.

«C’est finalement ce que je sais faire de mieux, résume-t-elle. Mais si je reviens, c’est sûr que ce ne sera plus jamais comme avant. J’ai travaillé beaucoup en salles de nouvelles, et on agit plus vite qu’on ne réfléchit. Ce qui s’est passé ici a été un électrochoc. Je sais maintenant que tout peut basculer du jour au lendemain, alors forcément mes priorités, mes choix ne sont plus les mêmes. Et puis, lorsqu’on est journaliste, on se forge une carapace. La mienne a complètement explosé avec ce qui s’est produit ici. C’est vraiment hors du commun. J’ai gagné en profondeur, en humanité.»

Entre sourire et larmes

Si retourner travailler dans les médias n’est absolument pas un objectif pour elle à court terme, elle avoue donc un certain manque, depuis l’adrénaline qu’elle ressentait le micro en main, avant de passer à l’antenne, jusqu’aux gens qu’elle côtoyait chaque jour et avec lesquels elle avait noué des liens très forts. Dans ses nouvelles fonctions, elle essaye de s’amuser autant qu’elle peut, dans le contexte actuel. Elle raconte combler un tant soit peu son manque lorsqu’elle est interviewée à la radio… sans pression ou presque.

Impliquée dans le dossier de la commémoration qui aura lieu cette fin de semaine, Katy Cloutier tente autant que possible de garder le détachement nécessaire dont elle a su faire preuve durant toute sa carrière de journaliste.

«Ça me permet de regarder en avant parce que si j’étais toujours dans l’émotion, ce serait infernal, explique-t-elle. Au fur et à mesure que l’échéance approche, la tension monte, c’est certain. Je regarde les gens, je leur parle, j’essaye de les faire sourire et quand j’y parviens, ma journée est faite! Mais ça ne veut pas dire que je ne vais pas pleurer les 5 et 6 juillet, confie-t-elle. C’est même certain que je vais pleurer…»

Durant le mois de juillet, ProjetJ mettra un coup de projecteur sur ces ex-journalistes qui ont décidé de quitter le métier.

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