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Le sociofinancement de plus en plus populaire chez les journalistes

Kickstarter débarque au Canada, lundi. Une petite révolution dans le monde du sociofinancement, qui trouve de plus en plus d’adeptes chez les journalistes indépendants. Au Québec, ils sont une poignée à avoir déjà utilisé ces plateformes pour lancer un projet ou partir en reportage à l’étranger. Projet J en a rencontré quelques-uns. Kickstarter débarque au…

Kickstarter débarque au Canada, lundi. Une petite révolution dans le monde du sociofinancement, qui trouve de plus en plus d’adeptes chez les journalistes indépendants. Au Québec, ils sont une poignée à avoir déjà utilisé ces plateformes pour lancer un projet ou partir en reportage à l’étranger. Projet J en a rencontré quelques-uns.

Kickstarter débarque au Canada, lundi. Une petite révolution dans le monde du sociofinancement, qui trouve de plus en plus d’adeptes chez les journalistes indépendants. Au Québec, ils sont une poignée à avoir déjà utilisé ces plateformes pour lancer un projet ou partir en reportage à l’étranger. Projet J en a rencontré quelques-uns.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Dès lundi, les Canadiens auront accès à Kickstarter pour financer une invention géniale, la publication d’une bande dessinée, l’écriture d’une pièce de théâtre… ou encore la création d’un nouveau média ou tous les coûts liés à la réalisation d’un reportage à l’étranger.

Jusque-là, seuls les États-uniens et les personnes ayant un compte en banque aux USA pouvaient présenter un dossier sur Kickstarter, la plus ancienne et la plus renommée des plateformes de financement participatif. Au Québec, Nicolas Langelier est même allé jusqu’à incorporer son entreprise de l’autre côté de la frontière afin de pouvoir y mener une campagne de financement pour le lancement du premier numéro de Nouveau Projet. Le journaliste avait fixé un objectif de 10 000 $, il est reparti avec plus de 25 000 $ en poche!

Mais c’est surtout sur Indiegogo que l’on retrouve les dossiers québécois. Outre le fait que, contrairement à Kickstarter, elle acceptait les projets canadiens, cette plateforme permet également de repartir avec les dons des contributeurs, que l’objectif ait été atteint ou non. Ce qui n’est pas le cas de Kickstarter.

S’acheter un gilet pare-balle

«C’est en lisant sur la démarche de Nouveau Projet que j’ai su que le sociofinancement existait, raconte Martin Forgues, journaliste indépendant, qui a lui-même lancé une campagne sur Indiegogo l’automne dernier. Je me suis dit que si ça marchait pour financer un média, ça pouvait sans doute fonctionner aussi pour des reportages.»

Martin Forgues souhaitait ainsi financer deux voyages, au Mali et en Afghanistan, pour réaliser des sujets en zone de guerre.

«Je suis un ancien militaire, explique-t-il. Lorsque je suis devenu journaliste, il y avait deux choses qui me tenaient à cœur: rester indépendant et mettre mon expérience de soldat à profit. Sauf que couvrir des conflits, ça coûte cher. Il y a les voyages, mais aussi les assurances, les fixeurs sur place, l’équipement, etc.»

Martin Forgues a atteint environ 70% de son financement, ce qu’il prend comme un succès. Il est déjà parti au Mali et prépare en ce moment son départ pour l’Afghanistan. Les fonds récoltés lui ont permis notamment de s’acheter un gilet pare-balle et de l’équipement photo.

«Mais surtout de faire mon premier reportage en zone de guerre, précise-t-il, donc de gagner en notoriété. J’ai d’ailleurs plus de clients maintenant pour l’Afghanistan que lorsque je suis parti pour le Mali.»

Le rêve américain

Xavier K. Richard est éditeur réseaux sociaux à Radio-Canada. Avec d’autres, il est aussi allé sur Indiegogo pour financer un projet de capsules radiophoniques diffusées sur internet et intitulé La fois où. La fois où Omar Bongo m’a draguée. La fois où Jack Layton m’a appelé un peu saoul à 3 heures du matin. La fois où je me suis battu avec un grizzli. La fois où raconte de bonnes histoires vraies. Lui non plus n’a pas atteint son objectif de financement, mais il avoue qu’il avait peu d’espoir en la matière.

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«En dehors des projets technologiques, c’est très difficile d’aller chercher des donateurs à l’extérieur de sa communauté, famille, amis, collègues, estime-t-il. Le sociofinancement, c’est très intéressant et je recommencerai certainement, mais il ne faut que ce soit ta seule source, sinon c’est raté d’avance.»

«Et puis, pour parvenir à amasser quelques fonds, il faut s’investir et pas qu’à moitié, ajoute-t-il. Faire une page qui attire, c’est tout un art. La promouvoir, c’est un métier! Il faut tout le temps être là et ne pas avoir peur de harceler sa communauté sur les réseaux sociaux. Mais le fait d’être sur une plateforme comme Indiegogo te donne une certaine légitimité pour le faire. Tu as le droit puisque tu es en campagne de financement. C’est le principe du rêve américain.»

Financer quatre mois sur le terrain

À presque mi-campagne, lui aussi sur Indiegogo, François Pesant a atteint environ 25% de son objectif. Ce photographe de presse souhaite amasser 16 000 dollars pour partir quatre mois dans les casernes américaines à la rencontre de femmes militaires ayant été victimes de viol sur le terrain.

«Je faisais un reportage pour Chatelaine sur le retour à la vie civile et je suis tombée sur ce phénomène du viol, explique-t-il. Ce n’est pas rien, les dernières statistiques parlent de 28 000 cas. Et c’est très difficile pour ces femmes d’en parler et d’aller devant les tribunaux. J’y suis retourné et j’ai fait un sujet avec une journaliste française. Maintenant, j’ai un éditeur qui est intéressé pour réaliser un livre. Mais ça me demanderait de partir quatre mois sur le terrain. Avec cette campagne de financement, je souhaite au moins couvrir mes dépenses de déplacement, hébergement, repas, etc.»

Réseauter

Le sociofinancement serait-il l’avenir du journalisme indépendant?

«C’est une partie de la réponse en tout cas, répond Xavier K. Richard. Mais encore faut-il que les journalistes acceptent de se remettre en question. Nous avons trop souvent du mal à expérimenter, de peur de montrer des signes de faiblesse. C’est sûr que nous devons renouveler nos modèles d’affaires et que le sociofinancement est à creuser.»

«C’est une des voix envisageables pour financer des projets, estime lui-aussi Martin Forgues. Toujours dans l’optique de se faire une notoriété, et de ne plus en avoir besoin ensuite. Car ça a ses limites. Si tu pars du principe que c’est principalement ta communauté élargie qui te finance, au bout du dixième projet, il n’est pas certain qu’elle réponde encore présente. Parce qu’il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas d’un investissement de la part du contributeur, précise-t-il. C’est un don philanthropique. Oui, il y a une contrepartie. En échange du don, la personne reçoit un cadeau proportionnel à la somme offerte. Mais il ne s’agit pas pour elle de revenir dans ses frais.»

Pour Xavier K. Richard, le sociofinancement est aussi un bon moyen de réseauter.

«Il m’arrive de mettre de l’argent sur les projets de gens que j’estime, à Paris, Barcelone, Los Angeles, explique-t-il. Ça permet de rentrer dans un circuit, d’être sur des listes, de recevoir des courriels. Tu mets vingt dollars, tu reçois une petite chose en contrepartie, tu fais partie des donateurs, tu es remercié en tant que tel. Et tu fais désormais partie de la gang

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