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Les journalistes, véhicules essentiels pour la préservation de la langue

Alors que la 18ème Francofête bat son plein et à deux jours de la journée internationale de la francophonie, ProjetJ a voulu savoir si les journalistes sont de bons serviteurs de la langue de Molière. Analyse avec Danielle Turcotte, directrice générale des services linguistiques à l’Office québécois de la langue française (OQLF). Alors que la…

Alors que la 18ème Francofête bat son plein et à deux jours de la journée internationale de la francophonie, ProjetJ a voulu savoir si les journalistes sont de bons serviteurs de la langue de Molière. Analyse avec Danielle Turcotte, directrice générale des services linguistiques à l’Office québécois de la langue française (OQLF).

Alors que la 18ème Francofête bat son plein et à deux jours de la journée internationale de la francophonie, ProjetJ a voulu savoir si les journalistes sont de bons serviteurs de la langue de Molière. Analyse avec Danielle Turcotte, directrice générale des services linguistiques à l’Office québécois de la langue française (OQLF).

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Selon Danielle Turcotte, c’est certain, les journalistes sont des véhicules essentiels dans l’implantation des nouveaux mots que les linguistes de l’OQLF inventent  afin de faire entrer dans le langage courant des termes français en remplacement de leurs correspondants de langue anglaise. Ils sont des diffuseurs, des relayeurs de premier plan.

Exemple à l’appui avec le mot-clic.

«Louise Marchand venait de prendre la présidence quand Yolande Perron, une des terminologues de l’Office, avait trouvé le fameux mot-clic pour remplacer hashtag, qui devenait de plus en plus populaire avec l’avènement des réseaux sociaux. Elle s’est intéressée à notre travail, elle nous a posé des questions. Quelques jours plus tard, elle rencontrait le journaliste du Devoir, Fabien Deglise. Elle lui a raconté l’histoire du mot-clic. Il a été fasciné par cette proposition et de retour dans sa voiture, il l’a twittée. Ça s’est répandu comme une trainée de poudre. On a eu des critiques positives comme négatives. Mais le résultat, c’est que la semaine dernière, le magazine de Costco a titré «le mot-clic, ça clique!» Et ça, ça signifie que l’expression est vraiment entrée dans le langage courant.»

Courriel, babillard, baladodiffusion, clavardage

Des belles histoires comme celles-là, il y en a d’autres à l’Office québécois de la langue française. Le courriel, le babillard, la baladodiffusion, le clavardage font partie des belles victoires de l’organisme. Mais il y a aussi les greffes qui ne prennent pas.

«Il faut arriver au bon moment et proposer une solution séduisante, explique Mme Turcotte. Quelque chose de limpide, accrocheur et agréable en bouche et à l’oreille. Il faut ensuite que les nouveaux mots soient diffusés par quelqu’un qui soit crédible. Je donne souvent l’exemple de Guy A. Lepage. S’il décidait de faire chaque semaine à Tout le monde en parle la promotion d’un de nos mots, ce serait un énorme coup de pouce. En revanche, s’il se met à rire d’une de nos trouvailles, il n’y aura plus qu’à l’enterrer.»

Le journaliste aurait donc, lui-aussi, assez de crédibilité pour rendre un mot populaire ou non. A contrario, lorsqu’il décide de se servir de l’anglicisme plutôt que de sa version française, soit qu’il ne la connaisse pas, soit qu’il ne l’utilise pas lui-même et qu’il se dise que ses lecteurs ne vont pas comprendre, cette décision nuit à l’implantation.

«Parce que les médias sont un tribune importante, assure Danielle Turcotte. Ce que nous proposons, dans ces cas-là, c’est d’écrire le mot en français, quitte à y accoler le terme anglais entre parenthèses s’il peut y avoir un doute. Ce serait assurément un grand facteur de succès.»

Service Immedi@t

C’est ce genre de conseils que l’OQLF donne aux journalistes qui l’appelle ou qui lui envoie un courriel dans le cadre de son service Immedi@t, service gratuit offert à tous les journalistes… et malheureusement trop peu connu.

«Ce service existe depuis 2003 mais nous n’avons qu’une vingtaine de demandes par mois, regrette Danielle Turcotte. Compte-tenu du nombre de journalistes, on ne peut pas dire que ce soit très populaire! Nous sommes pourtant joignables par téléphone ou par courriel. Nous connaissons également les contraintes de temps du métier et nous prenons les messages régulièrement durant la journée pour pouvoir répondre très rapidement.»

Parmi les demandes récurrentes figurent les accords un peu compliqués et l’existence ou non d’un terme français pour remplacer une tournure anglaise.

«Mais ça va dans toutes les directions, précise la directrice du service linguistique. On nous demande si on a le droit d’utiliser le verbe «se positionner» dans tel contexte, si «hiérarchiser» est aujourd’hui accepté? Parfois les réponses se trouvent dans les outils que nous proposons sur notre site, mais le journaliste n’y a pas accès à ce moment-là, ou il s’y est perdu. Notre moteur de recherche commence à être vieux. Il y a beaucoup d’articles traités, mais ils ne sont pas forcément très bien indexés.»

Plus assez de réviseurs

Danielle Turcotte fait ici référence au grand dictionnaire terminologique, à la banque de dépannage linguistique et à la banque de noms de lieux du Québec, accessibles à tous, directement depuis la page d’accueil du site de l’Office québécois de la langue française.

Malgré tous ces outils, il n’en reste pas moins que les journaux regorgent encore trop souvent de fautes. La dernière étude en la matière a été publiée en 2001 à la demande du Conseil de la langue française. Elle analysait la linguistique de quatre quotidiens, à savoir La Presse, Le Devoir, Le Soleil et le Journal de Québec. Sur un corpus de quatre-vingt seize textes, près de mille impairs ont été commis.

Parmi les fautes courantes, on retrouve notamment des erreurs de syntaxe dans la construction des phrases, de ponctuation, et de nombreux anglicismes et autres problèmes de vocabulaire.

«Nous observons des erreurs dans tous les journaux, commente Danielle Turcotte. On est conscient aussi de la vitesse à laquelle les journalistes doivent souvent travailler, des contextes de diminution de ressources dans les organisations qui font en sorte qu’il n’y a plus assez, voire plus du tout de réviseurs. Or, on est souvent bien mauvais juge de son propre texte. On voit aussi parfois de grosses erreurs dans un titre, un accord qui n’est pas fait par exemple. On sait bien que tout le monde le sait, mais comment se fait-il que ça puisse échapper à la révision? C’est déplorable. La qualité de la langue, c’est important et les organisations médiatiques devraient bénéficier de tout le soutien dont elles ont besoin pour faire réviser les textes.»

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