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Les Québécois en faveur de l’imputabilité journalistique

Moins d'un Québécois sur cinq juge que le Conseil de presse du Québec (CPQ) est le mieux placé pour s'assurer que les journalistes respectent l'éthique et la déontologie. Près d'un sur deux lui préfèrerait un tribunal spécialisé doté d'un pouvoir de sanction monétaire. C'est ce que révèle le Baromètre des médias 2011 de la Chaire de recherche…

Moins d'un Québécois sur cinq juge que le Conseil de presse du Québec (CPQ) est le mieux placé pour s'assurer que les journalistes respectent l'éthique et la déontologie. Près d'un sur deux lui préfèrerait un tribunal spécialisé doté d'un pouvoir de sanction monétaire. C'est ce que révèle le Baromètre des médias 2011 de la Chaire de recherche en éthique du journalisme (CREJ) de l'Université d'Ottawa, sur la base d'un sondage CROP réalisé en ligne du 13 au 17 octobre 2011, auprès de 1000 Québécois.

Moins d'un Québécois sur cinq juge que le Conseil de presse du Québec (CPQ) est le mieux placé pour s'assurer que les journalistes respectent l'éthique et la déontologie. Près d'un sur deux lui préfèrerait un tribunal spécialisé doté d'un pouvoir de sanction monétaire. C'est ce que révèle le Baromètre des médias 2011 de la Chaire de recherche en éthique du journalisme (CREJ) de l'Université d'Ottawa, sur la base d'un sondage CROP réalisé en ligne du 13 au 17 octobre 2011, auprès de 1000 Québécois.

À la question «Qui devrait assurer que les journalistes respectent l'éthique et la déontologie de leur métier?», 41% des répondants cochent l'option «un tribunal spécialisé en déontologie du journalisme, qui pourrait sanctionner et mettre à l’amende les journalistes et les médias fautifs» contre 34% en 2009. 16% optent plutôt pour que la situation actuelle reste inchangée, soit le maintien d'«un Conseil de presse du Québec qui a uniquement un pouvoir de sanction morale», contre 20% en 2009.

Confier le rôle de faire respecter l'éthique et la déontologie journalistique à «des tribunaux civils qui peuvent juger et sanctionner tous les citoyens, y compris les journalistes et les médias» est une option en recule, passant de 15% en 2009 à 13% aujourd'hui. L'absence totale de régulation, soit la réponse «Personne, car il faut respecter de façon absolue la liberté de la presse», est elle aussi une avenue en perte de vitesse puisque 16% des répondants l'appuient contre 21% en 2009. 70% des Québécois favorisent donc une forme d'imputabilité.

Néanmoins, alors que le ministère de la Culture, des Communications et de la Conditon féminines consulte justement les Québécois sur le modèle de régulation des médias, l'incertitude en matière d'imputabilité grandit. La proportion de Québécois qui refusent de répondre ou disent ne pas savoir qui devrait assurer que les journalistes respectent l'éthique et la déontologie est en effet passée de 9 à 14%.

Déclin de la confiance du public

Le professeur Marc-François Bernier, titulaire de la CREJ et membre du comité éditorial de ProjetJ, avance trois explications possibles aux données du sondage: «1) la majorité des Québécois estiment que les médias et les journalistes travaillent avant tout pour leurs intérêts particuliers; 2) il y a une certaine méfiance quant à la capacité des journalistes de résister aux pouvoirs de l'argent, des partis et de la politique; 3) la concentration de la propriété de la presse est perçue comme une nuisance au droit du public à une information de qualité». Par ailleurs, «l'époque est à la vigilance éthique, voire une hypervigilance, qui favorise la création de dispositifs d'imputabilité plus contraignants», ajoute-t-il.

Pour sa part, loin d'être surpris par ces données, le secrétaire général du CPQ, Guy Amyot, estime qu'elles sont imputables à la perte de confiance du public à l'égard des journalistes et des médias en général. Loin d'y voir une critique directe à l'égard de son organisme, il estime que ces chiffres expriment plutôt un cri du cœur populaire. En effet, un Canadien sur quatre est d'avis que les médias d'ici ne sont pas à l'abri d'un scandale similaire à celui qui a mené à la fermeture du tabloïd News of the World au Royaume-unis, selon un récent sondage Ipsos Reid commandé par la Fondation pour le journalisme canadien, éditrice de ProjetJ. Dans ce contexte, 56% sont en effet d'avis que les journalistes devraient être encadrés par une certaine forme d'accréditation garante de certains standards pour exercer leur métier.

Au Québec, 20% des gens croient que les journalistes résistent aux pressions de l'argent et 20% sont d'avis que les journalistes résistent aux pressions des partis politiques et du pouvoir politique, selon le Baromètre des médias 2011. D'ailleurs, «une analyse un peu plus approfondie suggère que plus on doute de l'indépendance des journalistes face aux pressions de l'argent, des partis politiques et du pouvoir, plus on aurait tendance à privilégier le tribunal spécialisé ou encore les tribunaux civils comme lieu d'imputabilité journalistique», note Marc-François Bernier.

Quelle solution?

Le chercheur plaide lui-même pour le renforcement légal de l'encadrement éthique et déontologique des professionnels de l'information. Dans le mémoire qu'il a défendu devant la ministre St-Pierre dans le cadre des sa tournée de consultation, il recommande de confier le contrôle de l'application des normes déontologiques au Conseil de la déontologie des journalistes professionnels. Financé par l'État au même titre que les tribunaux professionnels et dirigé par un magistrat nommé par l'Assemblée nationale, ce conseil pourrait condamner des journalistes ayant commis des fautes déontologiques et leur imposer des amendes financières. Le CPQ, pour sa part, deviendrait un observatoire des pratiques journalistiques, une conscience des médias.

Allant dans le même sens, quoiqu'avec des nuances, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) – qui représente notamment les journalistes à l'emploi du Journal de Québec et du Groupe TVA – a lui aussi demandé (son mémoire) à la ministre la création d'un «nouveau Conseil de presse» comprenant un tribunal administratif. À composition tripartite (médias, journalistes et public), ce tribunal aurait ultimement un pouvoir de sanction envers les entreprises médiatiques et les journalistes professionnels. Ce tribunal aurait le pouvoir de sanctionner graduellement les médias ou les journalistes fautifs, jusqu’à leur retirer leur certification (une sorte de norme ISO de l'information) ou leur carte de presse ainsi que les avantages qui y sont associés.

Selon Guy Amyot, le modèle d'un tribunal administratif n'est pas dénué d'intérêt. Néanmoins, il comporte des inconvénients non négligeables, dont des coûts financiers et administratifs. Dans le mémoire que son organisme a défendu devant la ministre St-Pierre, il avance plutôt les deux options envisagées par le Rapport Payette, soit l'autorégulation déontologique assistée et l'autorégulation déontologique obligatoire. La première avenue prévoit de récompenser les entreprises adhérant au Conseil de presse en leur réservant des avantages publics (subventions, avis publics, publicités, etc.). Le CPQ a cependant un faible pour la seconde option qui suppose que l’Assemblée nationale légifère pour imposer aux entreprises médiatiques d’adhérer au Conseil de presse sans nécessairement leur accorder d'avantages particuliers.

 

Voir aussi:

Le Conseil de presse et Gesca tendent la main à Quebecor

La concentration des médias et Quebecor toujours malmenées par l'opinion publique

 

 

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