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Rob Ford contre le Toronto Star: appel à la solidarité journalistique

Les relations entre le maire de Toronto, Rob Ford, et le Toronto Star n'ont jamais été cordiales. L'ancien conseiller municipal de Etobicoke-Nord boycotte le plus grand quotidien de la Ville Reine depuis juillet 2010. Cette guerre froide a néanmoins atteint un sommet la semaine dernière alors que le maire a porté plainte contre un reporter…

Les relations entre le maire de Toronto, Rob Ford, et le Toronto Star n'ont jamais été cordiales. L'ancien conseiller municipal de Etobicoke-Nord boycotte le plus grand quotidien de la Ville Reine depuis juillet 2010. Cette guerre froide a néanmoins atteint un sommet la semaine dernière alors que le maire a porté plainte contre un reporter du Star. L'opinion de la professeure Romayne Smith Fullerton de la Western University de l'Ontario.

Par Romayne Smith Fullerton – originellement paru du J-Source – traduit par Anne Caroline Desplanques

Les relations entre le maire de Toronto, Rob Ford, et le Toronto Star n'ont jamais été cordiales. Depuis juillet 2010, l'ancien conseiller municipal de Etobicoke-Nord boycotte le plus grand quotidien de la Ville Reine. Cette guerre froide a néanmoins atteint un sommet la semaine dernière alors que le maire a porté plainte contre un reporter du Star. L'opinion de la professeure Romayne Smith Fullerton de la Western University de l'Ontario.

À lire aussi: le compte-rendu de l'altercation entre le maire Ford et Daniel Dale sur J-Source , la version du Toronto Star, l'article du New York Times (!!) et… le maire souligne la semaine de la liberté presse en refusant de répondre aux questions des journalistes.

La bataille entre le maire de Toronto, Rob Ford, et le journaliste du Toronto Star, Daniel Dale, est plus importante que la poussière dans un parc public, plus grande que les commérages au sujet de qui a dit ou fait quoi à qui. Il ne s'agit même pas de savoir ce que Daniel Dale a été faire dans ce parc public derrière la maison du maire dans la soirée du 3 mai.

Enlevons les hyperboles et réfléchissons aux questions de fond.

Les fonctionnaires ont des comptes à rendre aux citoyens. Les médias au sens large sont les yeux et les oreilles du public. Pour être à la hauteur de sa confiance, les journalistes ont l'obligation intrinsèque d'agir comme des chiens de garde légitimes face aux détenteurs du pouvoir.

Les journalistes ont parfaitement le droit et la responsabilité de vérifier ce que les élus font – dans ce cas, Daniel Dale enquêtait sur la tentative de Rob Ford d'acheter des terres publiques – et s'ils utilisent les pouvoirs qui leur sont conférés de façon équitable et raisonnable.

Pour que la démocratie s'épanouisse, les citoyens doivent être bien informés et au courant de toutes les questions dans la sphère publique. La seule exigence est que l'information factuelle fasse obligatoirement partie de cette discussion et que l'accès à cette information par le biais des agents publics soit garanti.

Mais ce postulat est en état de siège.

Tous les journalistes – quel que soit le média qu'ils représentent, et de quelle couleur politique est leur organisation – doivent s'unir contre toute tentative des fonctionnaires de contrôler l'ordre du jour de l'information.

L'automne dernier, à la lumière d'un texte du Toronto Star que le maire Rob Ford a trouvé peu flatteur, il a décrété qu'il n'accorderait plus d'entrevues aux journalistes vedettes. Puis il a dit que son bureau n'enverrait plus de communiqués de presse au plus grand quotidien de Toronto.

Actuellement, en raison de son différend avec Daniel Dale dans un parc public derrière sa résidence, le maire exige que le journaliste ne soit plus affecté aux affaires municipales. En outre, il menace de refuser de parler à des gens des médias, si un journaliste du Star est présent à une réunion ou dans un scrum.

Chacun d'entre nous pourrait être victime de la «Freeze Ford». C'est la vieille technique de diviser pour régner. Aucun journaliste ou média ne doit y adhérer. À l'heure actuelle, l'objectif est Daniel Dale – sur une toile de fond colorée de vitriol à la fois par le maire et le Toronto Star. Mais le principe est plus grand.

Si les gens des médias ne se regroupent pas pour lutter contre ce boycott, tout journaliste qui choisit d'écrire une histoire que le maire trouve de mauvais goût pourrait se trouver dans la même situation: coupé de tout accès à l'information publique et aux fonctionnaires.

Le président de l'Association canadienne des journalistes (ACJ), Hugo Rodriguez, a déclaré: «Toute personne qui souhaite avoir de l'information sur l'Hôtel de Ville devrait s'inquiéter qu'à la suite d'un différend entre le bureau du maire et un média, le maire envisage de fermer l'accès à lui-même et de son bureau en raison d'un simple différent.»

Hugo Rodriguez a reconnu que le marché de l'information de Toronto est très concurrentiel et que chacun peut contester la façon dont chaque rédaction couvre la politique municipale. Mais il prévient qu'à terme, la manière dont ce conflit est géré pourrait créer des précédents pour les municipalités, les maires, et les médias partout au pays.

«Je ne peux insister assez sur le fait que cette série d'événements pourrait conduire à une réduction spectaculaire de l'accessibilité du maire de la plus grande ville du Canada. Comme le chef de la direction, il est le visage public de la corporation municipale,» a dit Hugo Rodriguez.

Et si les tentatives de Ford pour contrôler l'ordre du jour médiatique étaient couronnées de succès, d'autres maires pourraient-ils suivre sa trace et cesser de parler aux médias?

"Il incombe aux élus de réaliser qu'ils ne pourront jamais sortir indemnes d'une lutte avec les médias et que les gens qui seront les plus affectés seront les citoyens qui ne sauront pas ce qui se passe dans leur municipalité», a déclaré Hugo Rodriguez. Il imagine même un scénario catastrophe très effrayant où les journalistes aurait seulement accès au maire lorsqu'il participe aux réunions du conseil municipal.

Le président de l'ACJ espère que quelqu'un dans ce cas particulier donne des conseils au maire Ford pour sortir de l'impasse, car «placer le chef de la direction de la municipalité hors de la sphère publique, c'est grave». Mais je pense qu'il est aussi temps de donner quelques conseils aux journalistes et aux médias partout au pays:

Ne laissez pas la partisanerie politique ou la concurrence se mettre en travers des problèmes fondamentaux, soyez solidaires pour l'accès à l'information.

 

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