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TC Media ne fait plus d’information locale – jusqu’où ça ira?

TC Média, propriétaire du Journal de Rosemont et de nombreux hebdomadaires locaux, a décidé de couper la moitié des postes de journalistes sur l’Île de Montréal. Ceux qui sont restés voient leurs tâches dénaturées et multipliées. On pourrait penser que l’équipe de RueMasson.com est contente que TC Média lui laisse le champ libre. Mais non. TC Média,…

TC Média, propriétaire du Journal de Rosemont et de nombreux hebdomadaires locaux, a décidé de couper la moitié des postes de journalistes sur l’Île de Montréal. Ceux qui sont restés voient leurs tâches dénaturées et multipliées. On pourrait penser que l’équipe de RueMasson.com est contente que TC Média lui laisse le champ libre. Mais non.

TC Média, propriétaire du Journal de Rosemont et de nombreux hebdomadaires locaux, a décidé de couper la moitié des postes de journalistes sur l’Île de Montréal. Ceux qui sont restés voient leurs tâches dénaturées et multipliées. On pourrait penser que l’équipe de RueMasson.com est contente que TC Média lui laisse le champ libre. Mais non. 

Par les co-propriétaires de RueMasson.com: David Bruneau, Cécile Gladel, Stéphanie Lalut, Éric Noël et Lisa Marie Noël

Le Journal de Rosemont est notre principal concurrent, ce n’est pas un secret. Nous, les propriétaires de RueMasson.com, sommes dans une position délicate pour le critiquer. Mais notre grogne est trop manifeste pour nous taire. Nous n’aimons pas qu’on nous prenne, vous et nous, pour des imbéciles.

Pour les journalistes du Journal de Rosemont, les couvertures d’évènements, les entrevues et les enquêtes, c’est fini. Dorénavant, ils mettront des communiqués de presse en ligne. Une seule journaliste couvrira deux des arrondissements les plus populeux et dynamiques : Rosemont-La Petite-Patrie et le Plateau-Mont-Royal. Bonne chance!

À la suite de ce changement d’orientation, Philippe Beauchemin, journaliste de longue date au Journal de Rosemont, a quitté le bateau. On le comprend. Même s’il écrivait pour un « rival », on appréciait sincèrement cette concurrence amicale et bénéfique pour le lectorat. Après tout, on fait le même métier. D’ailleurs, on signalait souvent ses articles et on les mettait régulièrement en lien dans nos réseaux sociaux. Notre idée du journalisme est d’informer les gens, pas de jouer à la guerre des médias.

Cela nous attriste de voir un propriétaire de média se moquer du métier de journaliste et du droit du public à l’information (on y tient). Ça nous touche profondément parce que nous, on y croit à l’information locale de qualité. C’est spécifiquement pour cette raison qu’on a fondé RueMasson.com et qu’on s’y consacre corps et âme – sans faire d’argent – depuis plus de 3 ans. Ce n’est pas en remplissant un journal de communiqués, de publi-reportages et de lettres des lecteurs que la population sera mieux informée. Et ça, TC Média le sait fort bien.

Reprendre des communiqués n’est pas du journalisme

Contrairement à ce que TC Média voudrait faire croire, le travail des journalistes n’est pas de faire du copier-coller. Un communiqué n’est que la source primaire d’information à partir de laquelle le travail commence. Il faut ensuite vérifier, mettre en perspective, apporter un regard critique, faire des entrevues, interroger des spécialistes et surtout, présenter les deux côtés de la médaille. Et les vraies nouvelles ne se basent souvent pas là-dessus. Aucun entrepreneur en construction n’a émis de communiqué pour annoncer en grandes pompes, photo de remise d’enveloppes brunes à l’appui, son paiement de cotisation de 3 % à des fonctionnaires douteux.

On ne veut pas se la jouer « intellectuel », et ce n’est pas l’apanage de notre humble média, mais nous croyons quand même que l’objectivité en information est quelque chose d’essentiel en démocratie. C’est trop peu souvent dit ou écrit, mais l’information (la vraie) c’est le nerf de la guerre, c’est ce qui vous permet de comprendre, juger, et analyser les enjeux, les agissements de nos institutions, nos politiciens, nos entreprises, nos organismes publics et privés. Au final, cette information a une incidence sur nos discussions entre amis ou en famille et sur notre vote aux élections. Oui, on le sait, l’objectivité absolue n’existe pas. Mais ça mérite un effort. Ne l’oublions pas, une diversité de médias fait que les différents points de vue ont une plus grande chance de se faire entendre.

Votre argent

Sans compter que le Journal de Rosemont et TC Média récoltent la part du lion du placement publicitaire de l’Arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie (en 2012, 27 000 $ contre 793 $ pour RueMasson.com).  De l’argent public, votre argent, vos taxes municipales. Un financement plutôt déconcertant pour un média largement diffusé qui ne couvrira plus le conseil d’Arrondissement, ni les élections municipales. RueMasson.com, depuis ses débuts, couvre l’actualité politique locale, celle qui n’a visiblement plus d’importance pour TC Média (et pour bien peu d’autres médias finalement).

De la poudre aux yeux

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Dans l’édition du Journal de Rosemont du 7 mai dernier, Denis Filion, directeur général chez TC Média, semble très motivé par le recentrage de « notre » journal. Son texte intitulé « VOTRE journal… plus local que jamais », est un éloge de cette nouvelle « vision journalistique » que TC Média tente d’inculquer à la population. Voici quelques perles tirées de son texte :

« Le journal passera d’observateur à acteur de sa communauté ». Vraiment ? Que faisiez-vous avant votre nouveau mandat ? On est en 2013. Sérieusement.  Le bullshit-o-mètre est dans le tapis ici ! Comment un journal hebdomadaire, désormais rempli de publicités et de communiqués, sera un acteur de sa communauté ?

« Dans quelques mois, vous ne parlerez plus du journal, mais de VOTRE journal ». Ou encore: « Le journal dont vous êtes le héros ». Marketing 101 des années 80.  Lecteurs, TC Média se donne à vous. On ne niaise plus, le Journal de Rosemont c’est VOTRE journal. Évidemment, on sélectionnera avec attention les textes que vous leur donnerez gracieusement. On en publiera certains, on fera du fric avec un contenu composé de 90% de publicités. Pour vous ? Rien. Pour la démocratie ? Une sélection d’opinions par on ne sait pas trop qui, dont on peut douter de l’objectivité (des écrits qui désavantageraient directement ou indirectement TC Média ou ses partenaires institutionnels ou politiques ne seront peut-être pas imprimés dans « VOTRE journal », celui dont vous êtes le héros).

Prendre les gens pour des imbéciles

Tout ça, cet affront journalistique et cette campagne de jovialisme qu’on essaye de nous enfoncer dans la gorge à la suite de ce recentrage « plus local que jamais », c’est vraiment nous prendre pour des imbéciles.

Et avec les élections municipales qui s’en viennent en novembre, qui couvrira la campagne ? RueMasson.com évidemment et de façon complètement bénévole encore (on l’a fait pour les élections fédérales et provinciales). C’est peut-être nous qui sommes tarés finalement, mais ce n’est certainement pas avec des communiqués pré-mâchés par les partis politiques et des publi-reportages payés de « VOTRE » nouveau journal, plus local que jamais et dont « nous sommes les héros » rappelons-nous le, que nous serons bien informés, ou même informés tout court.

Espérons que TC Média rétablira une équipe de journalistes digne de ce nom au Journal de Rosemont. Ou que ses dirigeants auront le courage de changer le nom de son hebdo pour refléter ce qu’il est maintenant devenu : une circulaire.

 

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