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11 septembre: le journalisme victime de la guerre au terrorisme

New York et Washington grouillent cette semaine de reporters venus du monde entier afin de prendre le pouls des États-Unis, dix ans après les attentats du 11 septembre 2001. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) en profite pour faire le point sur l'impact de ses événements sur la profession. Elle estime que les journalistes et…

New York et Washington grouillent cette semaine de reporters venus du monde entier afin de prendre le pouls des États-Unis, dix ans après les attentats du 11 septembre 2001. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) en profite pour faire le point sur l'impact de ses événements sur la profession. Elle estime que les journalistes et le personnel des médias ont été parmi les victimes les plus touchées de la guerre au terrorisme qui dure maintenant depuis une décennie.

New York et Washington grouillent cette semaine de reporters venus du monde entier afin de prendre le pouls des États-Unis, dix ans après les attentats du 11 septembre 2001. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) en profite pour faire le point sur l'impact de ses événements sur la profession. Elle estime que les journalistes et le personnel des médias ont été parmi les victimes les plus touchées de la guerre au terrorisme qui dure maintenant depuis une décennie.

Le meurtre sanglant du journaliste américain Daniel Pearl, au Pakistan en 2002, est devenu un des symboles des conséquences du 11 septembre sur les professionnels de l'information. Après lui, cibles des organisations terroristes et même des militaires, plusieurs reporters sont morts, ont été enlevés ou blessés alors qu'ils témoignaient de la guerre en Irak et en Afghanistan. Au plus fort de la lutte dans les montagnes afghanes, pas moins de 3500 journalistes se sont rendus sur place au péril de leur vie. Mais, la guerre au terrorisme ne concerne pas uniquement ceux qui foulent le sable du Moyen-Orient, elle a eu également des conséquences jusqu'au cœur des salles de rédaction et des tribunaux occidentaux.

«Dans tous les coins du monde, le journalisme a été placé dans l'ombre du terrorisme. Des politiciens sans scrupules ont profité de l'anxiété du public et, au nom de la lutte contre le terrorisme, les gouvernements ont introduit des lois et des formes pernicieuses de surveillance et de contrôle de la vie des populations qui augmentent la puissance de l'État. La liberté de mouvement de certains journalistes a été réduite. Des espions ont infiltré les salles de rédaction. Des téléphones ont été mis sur écoute. Des poursuites ont été entamées pour mettre à jour des sources d'information», explique la FIJ.

Loi antiterroriste et Patriot Act

Au Canada, si les reporters ont su honorer leur esprit critique et offrir une couverture professionnelle des attaques du 11 septembre, la Loi antiterroriste (C-36) adoptée en décembre 2001 fait de l'ombre à la liberté d'expression, souligne la FIJ. D'après ses détracteurs, cette loi qui a notamment modifié le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels et la Loi sur la preuve compromet plusieurs principes fondamentaux de justice, comme la présomption d'innocence, le droit à un procès ouvert et équitable, et l'accès garanti à l'information. Elle autorisait la détention préventive et l'arrestation sans mandat et permettait aux juges de contraindre un témoin à témoigner dans une affaire de terrorisme, y compris un journaliste. Ces pouvoirs spéciaux ont expiré en 2007, mais le Premier ministre Stephen Harper entend les réintroduire.

La Loi C-36 est souvent comparée au Patriot Act adopté dans la foulée des attentats du 11 septembre aux États-Unis. Chez nos voisins du sud, les huit années de mandat de George W. Bush ont été marquées par «une grave régression des libertés publiques au nom de la sécurité nationale», souligne Reporters sans frontières (RSF). En 2009, l'arrivée au pouvoir de Barack Obama a suscité beaucoup d'espoirs, mais l'homme qui avait promis de fermer la prison de Guantanamo Bay a vite déçu. RSF rappelle qu'en mai 2010, quatre journalistes canadiens et américains ont été expulsés de Guantanamo Bay pour avoir publié le nom d’un témoin de techniques d’interrogatoire. L'organisme note également qu'un militaire, accusé d’être une source de Wikileaks, s’est retrouvé en prison, après qu'une vidéo publiée sur le site ait révélé que l’armée américaine avait tué deux employés de l’agence Reuters lors d’un raid héliporté sur Bagdad.

Paradoxalement, aux pays du Premier amendement ses atteintes aux libertés ont eu lieu avec la quasi-bénédiction des chiens de garde de la démocratie, note le professeur de déontologie journalistique américain Edward Wasserman. Il dénonce «la complicité des médias dans cette grande panique de l’après-11 septembre». Même inquiétude chez la professeure de sociologie des médias Divina Frau-Meigs. Dans son livre Qui a détourné le 11 septembre?, elle pointe le détournement de l’événement traumatique à des fins de manipulation politique et documente le suivisme de la presse américaine. Pour Edward Wasserman, cette dérive a marqué le début du déclin des médias.

 

La Fédération internationale des journalistes reviendra sur l'héritage de la guerre au terrorisme et sur son impact sur les journalistes et leur travail lors d'une conférence mondiale à Bruxelles les 10 et 11 septembre. Sami Al Haj, journaliste d’Al Jazeera emprisonné à Guantanamo Bay pendant 6 ans, et Hervé Ghesquière, journaliste à France 3 ex-ancien otage en Afghanistan, seront notamment présents.

 

 

 

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