Le journaliste scientifique, seul sur son île?
collaboration spéciale d’Amélie Daoust-Boisvert
Londres – Les journalistes scientifiques, une race à part? C’est le constat qui se dégage d’une étude menée par des chercheurs français, belges, québécois et canadiens.
collaboration spéciale Amélie Daoust-Boisvert
Londres – Les journalistes scientifiques, une race à part? C’est le constat qui se dégage d’une étude menée par des chercheurs français, belges, québécois et canadiens.
Ils ont interviewé des journalistes scientifiques des deux côtés de l’Atlantique, dont des Québécois. François Heinderyckx, professeur à l’Université libre de Bruxelles, observe que «la culture du journalisme scientifique est assez insulaire».
Il déplore que l’actualité couvre essentiellement des découvertes, alors que «la science est partout». Par exemple, pendant le Tour de France, les journalistes scientifiques n’ont pas été utilisés pour parler des enjeux scientifiques pourtant nombreux, comme le dopage. «Comme si le rédacteur en chef n’allait pas vers ses meilleurs experts pour donner une valeur ajoutée à la couverture», juge-t-il. «Certains n’ont presque jamais de contact avec le rédacteur en chef!» On respecte le journaliste scientifique, mais sans l’inviter aux réunions de rédaction ou à prendre part aux discussions éditoriales.
Journaliste scientifique au quotidien belge Le Soir, Jacques Poncin a vécu cet isolement. «Les journalistes scientifiques sont seuls, dit-il, et ils le seront encore plus avec la crise des médias, car ils seront encore plus rares». Il croit que cette solitude vient du fait que «nos collègues généralistes ont peur de la science».
Pour briser le cocon, la journaliste argentine Valeria Roman a tissé des liens avec des collègues à travers le pays par le biais d’Internet. «Nous nous parlons par courriel tous les jours. On apprend beaucoup les uns des autres tout en se sentant moins seuls».
François Heinderyckx a aussi été surpris d’une «fracture» entre les Canadiens et les Européens. «Les reporters canadiens se sentent un peu dépassés par la science et sont très ouverts à suivre des formations pour y pallier», dit-il, mais pas les Européens. Ceux-ci ont conscience qu’ils manquent de connaissances scientifiques, mais ils estiment que cela leur permet de vulgariser plus facilement pour un public qui se situe à leur niveau. Un piège lorsque vient le temps de distinguer des arguments pseudoscientifiques, observe le chercheur.
Ces résultats ont été présentés lors du 6e Congrès mondial des journalistes scientifiques, qui se tenait à Londres du 30 juin au 2 juillet.
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