La Converse : un nouveau média donne la parole aux sans-voix
Par Philippe Lapointe
Je vous présente un média différent des autres : La Converse.
On y découvre un Montréal différent de ce que nous présentent les médias dits « traditionnels » (les grands médias). Pour vrai. La Converse présente des gens qui sont absents du paysage médiatique habituel, leur donne la parole, raconte leurs histoires. Tout simplement. Des histoires de gens d’origine différente des québécois dits « de souche », mais pas seulement. La majorité des journalistes de La Converse sont actuellement des femmes racisées. Mais personne n’est exclus. Et le résultat est étonnant.
Par exemple, ce portrait de la journaliste et photographe Prajwala Dixit, des « hommes invisibles de Montréal », comme Elias, Jasmeet, Raymond, qui viennent du Punjab, du Liban ou d’Haïti. Ils sont chauffeurs de taxi ou cuisiniers, et ils font partie de la trame urbaine montréalaise même si on ne voit peu ou pas. Hommes invisibles.
Ou ce reportage de Altin Raxhimi, sur le café Lori, que l’article présente comme « Le club social rom de la rue Bernard ». Fondé par des immigrants Rom, réfugiés d’Albanie, où ils étaient victimes de persécution. Une histoire inspirante, de courage et de ténacité, comme le sont souvent les histoires de gens qui ont quitté leur pays, tout laissé, pour refaire une vie ailleurs.
À La Converse, on laisse volontairement de côté les sujets traités par les grands médias. On a plus de chance d’y trouver un reportage sur le Festival de jazz de St-Henri que sur le Festival de jazz de Montréal.
Dans les faits, le journalisme « de dialogue », qu’est-ce que ça veut dire? « Le journalisme que nous pratiquons repose sur un ensemble de valeurs » raconte Lela Savic, fondatrice de La Converse. Parmi ces dix valeurs, on retrouve en tête le journalisme de collaboration, qui établit la chose suivante : « À La Converse, vous n’êtes pas des sujets d’articles, vous faites partie d’une communauté. Nous prenons le temps de vous écouter et nous travaillons avec vous avant, pendant et après la publication de nos reportages. »
Parmi ces valeurs, l’impact avant les clics. « Notre raison d’être est la recherche d’histoires non-virales ». L’impact avant les clics… difficile d’être davantage à contre-courant de la pratique des grands médias.
Une lectrice résume simplement le journalisme pratiqué à La Converse: « On y tend le micro aux gens dont l’histoire n’est pas racontée. »
Dans le contexte actuel, le financement est un défi pour tous les médias, encore davantage pour les médias dits « alternatifs ». Les médias engagés dans des causes peuvent parfois compter sur le militantisme de leurs lecteurs, qui peuvent appartenir à des milieux plus aisés et avoir les moyens de soutenir financièrement une cause à laquelle ils croient. Pour La Converse, le défi est d’autant plus grand qu’elle raconte les histoires de gens généralement sans beaucoup de moyens à un public qui n’en a pas davantage. Comment se financer dans cet environnement? « C’est un casse-tête et honnêtement, parfois je me demande comment on y arrive », reconnaît Lela Savic.
Une partie des revenus de La Converse provient des abonnements, mais la directrice de La Converse ne veut pas demander plus à ses lecteurs. « Ce serait indécent, ce sont souvent eux qui ont besoin d’aide ». La Converse n’accepte pas la publicité, qui serait non conforme à ses valeurs. Une partie des revenus provient de la philantropie. À cet égard, La Converse attend impatiemment d’être reconnu comme un OSBL et d’avoir droit au même soutien qu’un média comme La Presse, une formalité qui se fait attendre.
Le financement fonctionne beaucoup par projet, pour obtenir des subventions. « C’est harassant, surtout que toutes ces demandes de subvention exigent de nous des justificatifs, des rapports, des suivis administratifs, toutes des choses bien normales et correctes, mais qui me prennent du temps et m’en enlèvent pour pratiquer le journalisme », dit Lela Savic.
Parmi les projets, celui de l’école Converse, pour lequel La Converse peut s’allier avec des institutions d’enseignement ou des organismes. On y enseigne le storytelling avec l’approche distinctive de La Converse, qui interroge le pouvoir, développe et entretient un lien de confiance avec les communautés desservies.
La diversité se trouve donc au cœur de la mission. Même si on y traite aussi de sujets politiques, comme la lutte à la loi 21, ou la pénurie de logements abordables, La Converse ne se définit pas comme un média militant, et encore moins un journal de combat. « On raconte des histoires, tout simplement, des histoires qu’on ne trouve pas dans les médias traditionnels », dit sa présidente-fondatrice, qui ajoute : « On reste fidèles à notre mission de proximité, de service et de dialogue ». Raconter des histoires, c’est peut-être comme ça qu’on change le monde. Une histoire à la fois.