« Fake news » à l’international : un combat de tous les instants pour François Brousseau
par Antoine Char
Les tweets de Tommasso Debenedetti ont berné de nombreux médias du monde entier, ces dernières années. Cet enseignant romain a déjà « tué » le pape Benoît XVI, le président syrien Bachar al-Assad, Mikhaïl Gorbatchev, qui dirigea l’URSS entre 1985 et 1991 (mort le 30 août dernier), l’écrivaine J. K. Rowling et le cinéaste franco-grec Costa Gavras.
« La raison pour laquelle j’annonce de faux décès sur Twitter c’est de montrer la fragilité immense, incroyable du système médiatique mondial », aime-t-il rappeler à qui veut l’entendre.
Ce « système », François Brousseau le connaît bien, lui qui parle six langues et a visité une cinquantaine de pays. Analyste international à Radio-Canada, il signe tous les lundis une chronique au Devoir quand il ne joue pas aux échecs, ne relit pas Tchekhov (« je suis un admirateur absolu ») ou n’écoute pas Beethoven, Brassens, Leclerc, Brel, du jazz et « même du reggae ».
Polémique raisonnée
Pour lui, combattre la désinformation à l’international est possible « par l’information, par les faits, par le démontage patient et répété des théories fausses. Par la polémique raisonnée, résolue sans être stridente, radicale ou méprisante. Par une faculté de décentrement, pour comprendre les perceptions divergentes, voire antagoniques ».
Plus facile à dire qu’à faire : « Dans certains cas, comme aux États-Unis (et à des degrés moindres un peu partout ailleurs), existent le phénomène de l’incommunicabilité entre des sections de la population, des préjugés idéologiques forts, et de l’imperméabilité, hélas, de certains, aux faits divergents, dissonants, opposés à leurs points de vue. »
Ce bourreau de travail se dit « personnellement frappé [de voir] à quel point les préjugés et analyses unilatérales sont répandus. Il y a des gens pour qui même une bombe atomique russe sur Kiev serait in fine encore et toujours, et pour l’éternité, la faute des Américains, de « l’impérialisme » (celui-là et aucun autre) ».
Il reconnaît que « face à cela, notre travail trouve ses limites; il y a des murs qui sont impossibles à abattre ».
Le citoyen lambda
Brousseau baigne dans l’« inter » depuis plus d’une quarantaine d’années. Après un long séjour en Europe à 20 ans, il tourne le dos à Polytechnique Montréal (génie géologique) et plonge avec fougue dans l’international en faisant du journalisme étudiant.
Il croit que le citoyen lambda papillonnant d’une info à l’autre peut combattre la désinformation, « mais c’est un véritable travail, qui nécessite un état d’esprit, avec le juste dosage de doute et de méfiance (mais pas trop ni trop systématique) ».
Quant à savoir s’il y a un lien entre la montée de la désinformation et la crise mondiale de l’inattention, sa réponse est sans appel : « Il y a au XXIe siècle une régression intellectuelle, cognitive et émotionnelle, malheureusement répandue, dans la tendance forte d’aller au plus simple, au plus court et au plus satisfaisant, par rapport à nos inclinations, préjugés et opinions. »
Les journées de François Brousseau commencent toujours par « la lecture, la lecture, la lecture », deux heures au petit matin « à survoler les grosses nouvelles internationales du jour ou à dénicher des faits ou des tendances un peu décalés qui peuvent (qui doivent) aussi garnir, à l’occasion, une chronique d’actualité ».
Si la diversification des sources est essentielle pour lutter contre les « fake news », les « post-vérités », les « faits alternatifs », bref les rumeurs, « il faut toujours se souvenir que même les meilleurs et les plus grands peuvent déconner à l’occasion ».
Un exemple ? François Brousseau aime rappeler ce passage du Economist, à l’automne 2002 : « S’il y en a qui doutent encore que Saddam Hussein possède des armes de destruction massive […] on se demande bien quelles preuves il leur faudrait, à ces gens-là ! »