Rue Frontenac: le projet ne nous ressemblait plus
Depuis vendredi, Rue Frontenac est une coquille vide. Devenu la propriété de l'homme d'affaires Marcel Boisvert, directeur général d'Estrieplus.com, il a perdu ses fondateurs et artisans qui ont tous claqué la porte vendredi emportant avec eux tous les meubles, le contenu du site. «On a mis un point final à l'aventure parce que le projet de nous ressemblait plus», affirme le journaliste Alain Bisson.
Depuis vendredi, Rue Frontenac est une coquille vide. Devenu la propriété de l'homme d'affaires Marcel Boisvert, directeur général d'Estrieplus.com, il a perdu ses fondateurs et artisans qui ont tous claqué la porte vendredi emportant avec eux tous les meubles, le contenu du site. «On a mis un point final à l'aventure parce que le projet de nous ressemblait plus», affirme le journaliste Alain Bisson.
Un conseiller au passé criminel
Membre du comité chargé de négocier la vente du site, M.Bisson explique que l'homme d'affaires de Sherbrooke a complètement perdu la confiance de l'équipe quand celle-ci a identifié l'omniprésence dans le dossier d'un autre joueur, le physicien Michel Strecko. Ami de M.Boisvert, l'homme est mêlé à de multiples poursuites judiciaires actives et se serait déjà présenté comme proche d'«un club de motards ayant une réputation sulfureuse».
En 2002, l'homme d'affaires Raymond Henri l'a notamment accusé d'extorsion. Selon lui, M.Strecko aurait utilisé une fausse reconnaissance de dette de 1 500$ comme prétexte, pour contraindre une personne à lui consentir une participation dans Mobilair, une entreprise de services informatiques. La personne en question espérait acheter la compagnie si elle obtenait le financement requis. Déclaré coupable en Cour suprême, M.Strecko a été condamné à une amende.
L'acquéreur de Rue Frontenac, M.Boisvert limite l'influence de M.Strecko. Dans une lettre ouverte publiée hier, il explique l'avoir embauché comme «conseiller ad hoc» pour le guider légalement dans les dédales de la loi sur les faillites. «C'est cet expert contractuel que certains ont tenu à présenter, sans le nommer, comme étant un de mes «associés» alors que je n'en ai aucun!», s'exclame-t-il.
Tour à tour présenté comme investisseur, rabatteur d'investisseurs, puis conseiller, M.Strecko a pourtant négocié lui-même le bail du nouveau local qui devait accueillir les nouveaux bureaux de Rue Frontenac. Il était également présent aux réunions avec les avocats du site. De plus, il présente le plan d'affaires comme le sien, selon M.Bisson.
Pour les journalistes s'en est trop. «Je suis un fervent partisan de la réhabilitation, mais Rue Frontenac n'est pas une usine de boulons, c'est un média. Nous avons fait notre pain et notre beurre de la rigueur, de la droiture et de l'indépendance. Nous nous devons d'être plus blanc que blanc. Nous n'avons pas les moyens de mettre notre crédibilité en jeu en nous associant à quelqu'un qui a déjà été désigné comme proche des motards», explique-t-il.
Des caisses vides
Impossible cependant pour les artisans de Rue Frontenac de tourner le dos à M.Boisvert pour chercher un autre acquéreur. L'homme d'affaires a en effet pris possession de l'ensemble des actions du site pour 100 dollars, le 15 juin. En échange, il s'est engagé à créer une trentaine d'emplois et à permettre la création d'une société des rédacteurs qui aurait le plein contrôle sur le contenu éditorial. Cette entente a permis à l'équipe de demander et d'obtenir 45 jours supplémentaires de protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, le 17 juin.
Depuis cette date, M.Boisvert explique avoir participé à l'élaboration un montage financier à l'origine d'un fonds potentiel de roulement de 1,2 M$ permettant à Rue Frontenac de subsister jusqu'en décembre 2011. Le temps de réunir les fonds, il prévoyait engager une ou deux personnes pour assurer la survie du site en juillet, puis une vingtaine d'artisans dès le 1er août et les autres en septembre. Ce, «si le montage financier fonctionnait tel qu'annoncé». Plaidant n'avoir eu que du 20 juin au 2 juillet, «deux semaines bardées de congés fériés», pour s'organiser, il assure dans sa lettre ouverte qu'«il ne restait que quelques détails à préciser».
Il y avait cependant trop de «si» pour les journalistes. «Le deal c'était: on vous donne Rue Frontenac, en échange faites-nous travailler. Mais M.Boisvert n'a pas versé un sou jusqu'à présent et il n'a pas recueilli de financement», note M.Bisson soulignant que le montage financier élaborer par l'homme d'affaires et son conseiller n'est pas sérieux. Pour ses collègues et lui, le «projet Boisvert» était l'opération de la dernière chance. Ils ne préparent donc pas de Rue Frontenac 2.
Quant aux contenus du site, ils seront archivés et accessibles en ligne prochainement, mais ne réapparaîtront pas sous la bannière Rue Frontenac, car ils demeurent la propriété de leurs auteurs. Sans contenus et sans journalistes, le nouveau propriétaire du site créé en janvier 2009 en réaction au lock-out au Journal de Montréal estime que la crédibilité de Rue Frontenac en tant qu'outil fiable et quotidien d'informations de qualité a disparu, de même que les possibilités de redressement.
Depuis le début de l'aventure, plusieurs observateurs ont soulevé des doutes quant à la viabilité du site qui générait des revenus publicitaires trop faibles pour financer une salle de rédaction complète. Le blogueur Steve Faguy conclut: «Soyons honnêtes, c'est mieux comme ça. Rue Frontenac voulait être une source d'information généraliste en français dans un marché déjà saturé. C'était un trop gros projet pour une trop petite part de marché. Maintenant, ces journalistes talentueux vont pouvoir poursuivre leur chemin.»
M.Boisvert n'a pas répondu à notre demande d'entrevue.
Voir aussi:
Faillite: Rue Frontenac obtient un sursis supplémentaire
Rue Frontenac: 30 jours de sursis
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