#CEIC : la «twitterisation» de la commission Charbonneau
Par Samuel Larochelle
Même si les réseaux sociaux sont réputés pour colporter bon nombre de rumeurs et d’informations non vérifiées, leur usage est à ce point inscrit dans les mœurs que les médias qui couvrent la commission Charbonneau ont presque tous un journaliste qui relaie l’information en direct sur Twitter.
Figurant parmi les journalistes les plus actifs sur Twitter pendant la #ceic, Pierre-André Normandin, de La Presse, affirme utiliser le réseau social comme un calepin de note, afin d’écrire son article en fin de journée. Du côté d’Isabelle Richer, de Radio-Canada, il s’agit d’un mode de communication en direct avec les citoyens. « Si on fait abstraction des gens qui répondent à ce qui se produit durant la commission en écrivant des commentaires éditoriaux haineux à la suite de nos tweets, je reçois plusieurs questions très pertinentes. Il y a un bel échange avec les lecteurs. »
Le succès est tel que le compte de @PANormandin est passé de moins de 700 abonnés à 3700 depuis le début de la commission. « J’ai beaucoup de rétroaction et de retweets. J’utilise aussi Twitter pour fournir des détails que je juge moins nécessaires dans mes articles, mais qui aident les gens à se mettre en contexte. »
Le danger des 140 caractères
Bien qu’ils tentent de dégager les réponses les plus percutantes de la commission avec une quantité de mots limitée, les journalistes arrivent à éviter les pièges de Twitter. « Même si on escamote certains éléments, je n’ai pas le sentiment de raccourcir ma pensée, répond Isabelle Richer. De toute façon, quand ça commence à chauffer, je ne prends pas le temps de tweeter. J’attends les périodes plus creuses pour envoyer deux ou trois citations marquantes, quelques fois avec un certain retard sur mes collègues. »
De son côté, Pierre-André Normandin tweete de façon quasi hyperactive. « À force de m’exprimer en 140 caractères punchés, j’ai l’impression de suivre un cours de stand up comic en accéléré, dit-il. Comme je ne peux pas toujours écrire qui, quand, quoi, où, comment et pourquoi, je dois être le plus clair possible. J’utilise le mot clic #ceic pour éviter qu’un tweet pris hors contexte soit perçu comme une opinion personnelle et je n’ai jamais autant écrit le mot "dit" pour faire comprendre que je relève des citations. »
Dans le feu de l’action, le journaliste de La Presse préfère un ton affirmatif, plutôt que de mettre des bémols à tout ce qu’il écrit. « Avant d'appuyer sur "envoyer", je me demande si les gens peuvent mal interpréter le sens de mes tweets et j’ai déjà effacé un message parce que je n’étais pas sûr de moi à 100 %. Mais si je commence à tout écrire au conditionnel, on va finir par se perdre. »
Isabelle Richer croit d’ailleurs que les propos qu’elle tient à la télé ont un impact bien plus grand que ceux exprimés sur Twitter. « Lors de mes interventions à l’émission 24 h en 60 minutes, je dois surveiller tout ce que je dis, sinon je reçois des téléphones des relationnistes et du public. »
Une concentration de tous les instants
De toute évidence, la version 2.0 de la commission Charbonneau nécessite un investissement d’énergie majeur de la part des journalistes. « Je suis rarement sorti aussi fatigué mentalement de mes journées de travail, raconte Pierre-André Normandin. Même s’il n’y a que cinq heures à couvrir en direct, c’est pire que 12 heures de travail. Ça demande énormément de concentration de rester attentif à tout ce qui se dit, de préparer un article et de tweeter en même temps. »
En apparaissant à la télé du matin au soir, Isabelle Richer doit elle aussi rester dans un état de concentration perpétuel. « Avec mes interventions à toutes les 90 minutes, je dois essayer de renouveler mes propos constamment. C’est un rythme épuisant. Les journalistes sont devenus esclaves des nombreuses plateformes. Avec la télé, la radio, le web et les réseaux sociaux, il ne faudrait pas qu’une autre apparaisse. Ce serait beaucoup trop. »
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