Cotes d’écoute de l’information télé: l’hécatombe
L’écoute de l’information à la télévision québécoise est en chute libre. On en avait l’intuition depuis quelques années, mais une compilation des données diffusées par Numeris (nouveau nom de BBM) fournit un portrait plus clair de ce recul.
L’écoute de l’information à la télévision québécoise est en chute libre. On en avait l’intuition depuis quelques années, mais une compilation des données diffusées par Numeris (nouveau nom de BBM) fournit un portrait plus clair de ce recul.
Par Jean-Hugues Roy, Professeur de journalisme à l’École des médias de Uqàm – @jeanhuguesroy
L’info télévisée a perdu le quart de ses téléspectateurs en quatre ans. Entre 2010 et 2013, la cote d’écoute des principales émissions québécoises d’information à la télévision a diminué d’un peu plus de 24%. C’est ce qui ressort d’une compilation effectuée à partir de données diffusées publiquement par la firme Numeris (ex-BBM), spécialisée dans la mesure de l’écoute de la radio et de la télévision au Canada.
Cette compilation provient du palmarès des trente émissions les plus regardées au Québec francophone, publié chaque semaine par Numeris. Sur le site web de l’entreprise, les palmarès hebdomadaires sont disponibles à partir du 31 août 2009. Une extraction des données contenues dans les deux cent soixante-et-une semaines mesurées depuis cette date permet ainsi de tracer un portrait de l’évolution de l’écoute de la télévision québécoise au cours des cinq dernières années.
Une douzaine d’émissions d’information (les différentes éditions du TVA Nouvelles ou du Téléjournal de Radio-Canada, ainsi que J.E., Découverte, La Facture ou Larocque/Lapierre, pour ne nommer que celles-là) se retrouvent régulièrement dans le palmarès des trente émissions les plus regardées. Une émission sur six se retrouvant dans le palmarès de Numeris est une émission d’information. Ensemble, elles représentent 13,1% de l’écoute mesurée par le top-30 entre 2009 et 2014.
La compilation que nous avons effectuée nous donne donc un aperçu de l’évolution de l’écoute de l’information à la télévision québécoise. En effet, on peut faire la somme de l’écoute de toutes les émissions d’information qui apparaissent à ce palmarès et répartir cette somme par année. Ce faisant, on constate qu’en 2010, la cote d’écoute cumulée de ces émissions d'information était de 195,7 millions de téléspectateurs… et qu’en 2013, elle avait glissé à 148,1 millions.
Le TVA Nouvelles en chute de 32%
Les données nous permettent aussi de mesurer l’évolution de certaines émissions, si celles-ci apparaissent suffisamment régulièrement dans les palmarès de Numeris. Celle qui s’y retrouve le plus souvent est, de loin, le TVA Nouvelles. La cote d’écoute cumulée des différentes éditions du TVA Nouvelles (que nous avons considérées comme une seule émission) était de 138,2 millions de téléspectateurs en 2010. Elle avait baissé 93,4 millions en 2013, une chute de 32,4%.
La seule autre émission dont les données sont suffisamment nombreuses et assez réparties au fil des années pour être significatives est Découverte, l’émission scientifique de la télévision de Radio-Canada. Sa cote d’écoute cumulée a diminué de 16,8% entre 2010 et 2013.
Le sort des émissions d’information contraste avec le portrait général de l’écoute de la télévision au Québec. En effet, si on compile les cotes d’écoute de toutes les émissions apparaissant au top-30 hebdomadaire de Numeris, on constate que l’écoute a augmenté de 2,7% entre 2010 et 2013, au Québec!
Plus inattendu encore, le nombre d’émissions dont la cote d’écoute dépasse 2 millions de téléspectateurs croît lui aussi, passant de cinq en 2010 à vingt en 2013. En 2014, même si l’année n’est pas terminée, il y a déjà vingt-et-une émissions qui ont franchi la barre du 2 millions de cote d’écoute. Si la télévision québécoise est mal en point, elle reste très populaire auprès de son public.
L’émission ayant enregistré la cote d’écoute la plus importante est relativement récente. Il s’agit du Bye Bye 2013 avec 3,898 millions de téléspectateurs. C’est sans compter la reprise, le lendemain, qui a fait 1,440 million, des chiffres qu’on croyait ne plus jamais voir depuis les records d’auditoire de La Petite Vie, dans les années 1990.
Les données publiées par Numeris peuvent différer des cotes d’écoute parfois publiées le lendemain des diffusions, car la firme ajoute les gens qui regardent une émission en différé (enregistrée sur un terminal ou autrement) jusqu'à une semaine après la première diffusion. C’est que Numeris appelle les cotes d’écoute «confirmées».
Des limites
Il y a deux limites aux données qui ont servi de base à cette compilation qui font qu’elles ne reflètent peut-être pas l’ensemble de l’écoute de la télévision québécoise.
La première: il s’agit de la moyenne de l’écoute hebdomadaire des trente émissions les plus regardées par les Québécois francophones et non de toutes les émissions diffusées au Québec. Dans quelle mesure cette liste est-elle représentative de l’écoute de l’ensemble de la télévision? Impossible à dire.
La seconde: il ne faut pas oublier que les cotes d’écoute ne sont qu’un sondage.
Reste que l’échantillon qu’on a utilisé (trente émissions les plus regardées) est constant dans le temps et suffisamment important par rapport à la «population générale» (l’ensemble des émissions diffusées une semaine donnée) qu’on peut le considérer statistiquement représentatif.
D’autres informations, des graphiques, une méthodologie complète et les données brutes à partir du blogue de l’auteur.
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