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A quoi sert un journaliste ?” par Hervé Brusini

Troisièmes Assises Internationales du Journalisme, Directeur délégué à l’information de France 3 | N’y tenant plus, le journaliste s’était tourné vers son miroir. Et, c’est une bien triste mine qui apparut sous le nez de l’observateur ; son autoportrait semblait osciller entre neurasthénie et colère. Mu par quelque obscur souvenir d’enfance, il se mit à…
Troisièmes Assises Internationales du Journalisme, Directeur délégué à l’information de France 3 |

N’y tenant plus, le journaliste s’était tourné vers son miroir. Et, c’est une bien triste mine qui apparut sous le nez de l’observateur ; son autoportrait semblait osciller entre neurasthénie et colère. Mu par quelque obscur souvenir d’enfance, il se mit à questionner son reflet : “miroir ! Peux-tu me dire si je sers à quelque chose ?” A sa grande surprise, l’accessoire de la salle de bain lui répondit : “T’as vu ta tronche ? Ta déprime, tu l’affiches comme nul autre. Et voilà que tu te mets à te parler, seul, à haute voix, le peignoir en goguette. Le fait est, -et il parait que tu t’y connais en  matière factuelle- tu m’as l’air brumisé, en plein désarroi, si tu préfères” Une telle violence venue d’un vulgaire ustensile de toilettes provoqua, chez le professionnel de l’info, un sursaut d’autojustification. “Le temps réel, tu connais ? Le stress de l’accélération brutale quand tu dois tout dire sans trop savoir. La longueur de ton histoire à raconter qui se réduit chaque année. La fabrication d’un morceau de truc qui va rentrer dans un ensemble que tu connais à peine. Sans parler du Net ? Tu sais ça, le Net ? Des images, des sons, des discours  planétaires à chaque seconde. De l’info en veux tu en voilà, concoctée par le simple citoyen devenu ci-devant journaliste. Je te le redemande : A quoi suis- je utile dans tout cela ?” Cette fois, ce fut au tour de l’autre lui-même de se rembrunir. “Grave perte de mémoire, laissa-t-il tomber. Tu ferais bien de te pencher sur ton histoire. Ton métier est l’art de l’enquête, je te le rappelle. Et ce n’est pas moi qui le dis mais l’un de tes lointains parents. Un grec, Hérodote et sa passion d’aller courir le monde ; le terrain dans ton jargon. Constater par ses propres yeux, décrire, aimer ceux que tu rencontres quitte parfois à en rajouter. Alors ça te revient ?” Il rajusta sa sortie de bain et commença à se redresser. Un picotement lui parcourait l’échine. Il voyait des avions et des parfums venaient chatouiller  son hypothalamus à travers la fenêtre son propre quartier semblait soudain différent. L’autre poursuivait, imperturbable. “Vérifier, recouper, ça c’est ton autre lointain aïeul, lui aussi, un grec, Thucydide. Faire des choix , tordre le cou à la rumeur toujours assassine, tenter d’expliquer l’évènement avec l’humilité  de celui qui hait le malheur mais le côtoie chaque jour. La modestie d’avoir à donner un peu d’intelligence dans la complexité de la vie…” Faut il vraiment que je continue, interrogeait le miroir ?  Il était sept heures. C’est en tout cas, ce que prétendait le radio réveil qui charriait la voix de France info. D’un pas hasardeux, le journaliste s’était levé en quête d’une douche réparatrice. Ses yeux tombèrent sur le miroir  disposé là comme chaque jour. Mais ce matin là, il semblait attendre quelqu’un.

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N’y tenant plus, le journaliste s’était tourné vers son miroir. Et, c’est une bien triste mine qui apparut sous le nez de l’observateur ; son autoportrait semblait osciller entre neurasthénie et colère. Mu par quelque obscur souvenir d’enfance, il se mit à questionner son reflet : “miroir ! Peux-tu me dire si je sers à quelque chose ?” A sa grande surprise, l’accessoire de la salle de bain lui répondit : “T’as vu ta tronche ? Ta déprime, tu l’affiches comme nul autre. Et voilà que tu te mets à te parler, seul, à haute voix, le peignoir en goguette. Le fait est, -et il parait que tu t’y connais en  matière factuelle- tu m’as l’air brumisé, en plein désarroi, si tu préfères” Une telle violence venue d’un vulgaire ustensile de toilettes provoqua, chez le professionnel de l’info, un sursaut d’autojustification. “Le temps réel, tu connais ? Le stress de l’accélération brutale quand tu dois tout dire sans trop savoir. La longueur de ton histoire à raconter qui se réduit chaque année. La fabrication d’un morceau de truc qui va rentrer dans un ensemble que tu connais à peine. Sans parler du Net ? Tu sais ça, le Net ? Des images, des sons, des discours  planétaires à chaque seconde. De l’info en veux tu en voilà, concoctée par le simple citoyen devenu ci-devant journaliste. Je te le redemande : A quoi suis- je utile dans tout cela ?” Cette fois, ce fut au tour de l’autre lui-même de se rembrunir. “Grave perte de mémoire, laissa-t-il tomber. Tu ferais bien de te pencher sur ton histoire. Ton métier est l’art de l’enquête, je te le rappelle. Et ce n’est pas moi qui le dis mais l’un de tes lointains parents. Un grec, Hérodote et sa passion d’aller courir le monde ; le terrain dans ton jargon. Constater par ses propres yeux, décrire, aimer ceux que tu rencontres quitte parfois à en rajouter. Alors ça te revient ?” Il rajusta sa sortie de bain et commença à se redresser. Un picotement lui parcourait l’échine. Il voyait des avions et des parfums venaient chatouiller  son hypothalamus à travers la fenêtre son propre quartier semblait soudain différent. L’autre poursuivait, imperturbable. “Vérifier, recouper, ça c’est ton autre lointain aïeul, lui aussi, un grec, Thucydide. Faire des choix , tordre le cou à la rumeur toujours assassine, tenter d’expliquer l’évènement avec l’humilité  de celui qui hait le malheur mais le côtoie chaque jour. La modestie d’avoir à donner un peu d’intelligence dans la complexité de la vie…” Faut il vraiment que je continue, interrogeait le miroir ?  Il était sept heures. C’est en tout cas, ce que prétendait le radio réveil qui charriait la voix de France info. D’un pas hasardeux, le journaliste s’était levé en quête d’une douche réparatrice. Ses yeux tombèrent sur le miroir  disposé là comme chaque jour. Mais ce matin là, il semblait attendre quelqu’un.

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