Beijing 2008 : À rideau levé?
Depuis l’annonce de l’attribution des Jeux olympiques de 2008 à Beijing en juin 2001, toutes les caméras sont braquées sur la Chine. À moins d’un an du coup d’envoi, il est de moins en moins évident que les autorités chinoises désirent ouvrir une si grande fenêtre au monde entier. Malgré de nombreuses promesses conditionnelles à l’obtention des Grands Jeux, la situation médiatique actuelle en Chine tend à démentir les belles paroles faites au Comité international olympique.
La répression effectuée par le gouvernement chinois quant à la liberté de presse et la liberté d’expression est si réelle qu’elle leur a valu le titre de « plus grande prison de journalistes » au monde par l’organisme Reporters sans frontières (RSF) (en ligne, 2007). Ce dernier fait partie d’une dizaine d’organisations dont Amnesty International qui tâchent depuis plusieurs années d’éveiller les consciences à la problématique. Ainsi exposées, les autorités chinoises ont consenti à lever les restrictions posées sur les journalistes étrangers pour la période s’étalant du 1er janvier 2007 au 17 octobre 2008. (Human Rights Watch, en ligne, 2007) Ils peuvent désormais faire des interviews et des enquêtes sans devoir préalablement obtenir la permission des autorités locales.
Bien qu’appréciable, cette amélioration fut immédiatement suivie d’un resserrement important au niveau de la presse locale. Les journalistes chinois doivent désormais obtenir une autorisation pour couvrir un sujet traitant de faits historiques dits « sensibles »; ont l’interdiction de diffuser des nouvelles traitant de l’une des vingt problématiques spécifiques incluant les campagnes de protection des droits humains et les corruptions judiciaires; et sont sujets à un nouveau système de points de pénalités en cas de conduite fautive pouvant aller jusqu’à la perte du droit d’exercer leur métier. (Amnesty International, en ligne, 2007)
Ce « double standard » entre presse étrangère et locale inclut également un contrôle au niveau de la diffusion des nouvelles fournies par les agences de presse étrangères sur le territoire chinois ainsi que l’interdiction pour la presse étrangère d’employer un journaliste chinois (Reporters sans frontières, en ligne, 2007). De plus, les libertés accordées à la presse internationale ne semblent pas aussi larges qu’à prime abord. Selon Human Rights Watch, plusieurs journalistes étrangers ont reporté avoir reçu l’interdiction de visiter certaines régions ou de traiter de sujets non reliés aux Jeux olympiques (en ligne, 2007).
Une répression qui ne date pas d’hier
Les problèmes reliés à la couverture de la Chine par la presse étrangère ne datent pas d’hier. Sarah Lubman, ancienne journaliste pour l’UPI (United Press International), raconte que depuis les événements du Tiananmen Square de 1989 contre le Parti communiste chinois, les autorités n’ont cessé de chaperonner et d’agresser les correspondants étrangers ainsi que leurs sources chinoises. Lubman raconte comment elle était constamment victime d’intimidation orchestrée par les policiers du Ministère de la Sécurité de l’État. Fréquemment, elle était suivie en voiture et même pendant plusieurs semaines, elle était appelée chaque fois qu’elle franchissait la porte de sa demeure, toujours sans entendre le moindre son au bout de la ligne (Lubman, 1992) .
En 2004, Jonathan Watts, le correspondant chinois du The Guardian rapporte s’être fait emprisonner et agresser pour avoir rapporté une démonstration pacifique qui s’opposait à la position gouvernementale sur le Tibet. Cette arrestation se produisait moins de 24 heures après la remise officielle du drapeau olympique au maire de Beijing (Watts, en ligne, 2004).
Le champ de bataille internet
La Chine est considérée comme étant le pays où les technologies d’interception des communications électroniques et de censure du Réseau sont les plus développées. Au moins 50 internautes sont actuellement emprisonnés en Chine et des milliers de sites Internet d’information sont bloqués par le gouvernement. « À moins d’un an des Jeux olympiques de Pékin, il est urgent que le gouvernement chinois cesse de bloquer des milliers de sites Internet, de censurer l’information sur le Web et d’emprisonner des internautes », ont affirmé les organisations Reporters sans frontières et Chinese Human Rights Defenders.
Les sites d’information sont pour la plupart contrôlés par des organes de propagande du gouvernement chinois. Xinhuanet.com, le site officiel de l’agence de presse du Parti communiste, et la version en ligne du quotidien China Daily, qui diffusent une information contrôlée par le Parti, totalisent des millions de visites par jour. Aussi, le gouvernement utilise Internet pour afficher sa position sur certains sujets sensibles. Il a notamment créé des sites d’information sur le Tibet. Selon Reporters sans frontières, « ces publications sont destinées à modeler l’opinion publique chinoise, mais elles visent également à calmer les critiques venues de l’étranger ».
Selon une étude menée par le Berkman Center for Internet & Society, certains sites chinois sont bloqués par leur adresse IP, d’autres par leur nom de domaine, mais des méthodes plus subtiles sont également apparues. Le gouvernement pratique aussi le détournement de DNS. Il s’agit d’une méthode qui permet, lorsqu’un internaute veut consulter un site interdit, de le rediriger vers un autre site ou vers une adresse invalide. Ce type de censure est difficile à remarquer par l’utilisateur. Les autorités parviennent également à censurer les moteurs de recherche comme Google (celui-ci est contrôlé contre son gré) et Yahoo! (selon RSF, celui-ci se plie à la demande du gouvernement chinois pour des raisons économiques).
Cependant, un contrôle total des communications électroniques est impossible. La solution la plus efficace pour censurer la liberté d’expression reste de favoriser l’autocensure, en faisant croire à l’omniscience du Régime.
Certains utilisateurs du Réseau chinois parviennent toutefois à contourner la censure, en se connectant à ce Réseau au travers de serveurs basés à l’étranger. Des systèmes ont été mis en place par des activistes hors de Chine, pour aider les internautes à contourner les filtres du Régime. Parmi ces activistes, il y a le laboratoire de recherche Citizenlab de l’Université de Toronto (Canada) et Dynamic Internet Technology, une entreprise dirigée par Bill Xia, un Chinois émigré aux États-Unis. Les États-Unis ont aussi créé le Bureau de la liberté sur Internet, chargé de créer et diffuser des technologies permettant de contourner la censure du Net dans les pays répressifs.
Une occasion en or
À l’approche imminente de l’allumage de la torche olympique, le doute subsiste toujours quant aux conditions dans lesquelles les journalistes devront travailler. Bien que le temps vienne à manquer, les organismes voient toujours en les Jeux une occasion inespérée d’améliorer les droits humains quant aux libertés d’expression et de presse en Chine. Reste maintenant à savoir si le gouvernement chinois consentira à laisser entrevoir la réalité vécue par son peuple ou l’image qu’il veut bien perpétuer.
Bibliographie :
Amnesty International. «China Olympics: Important Reforms Marred by Increasing Repression» [En ligne], (1er mai 2007). http://news.amnesty.org.au/news/comments/olympics_countdown_important_reforms_marred_by_increasing_repression_in_chi/
(page consultée le 25 octobre 2007).
Human Rights Watch. «China: Media Freedom Under Assault Ahead of 2008 Olympics» [En ligne], (31 mai 2007). http://hrw.org/english/docs/2007/05/31/china16029.htm (page consultée le 26 octobre 2007).
Lubman, Sarah. 1992. China and the Foreigh Press, Nieman Reports, Spring, pp.55-58.
Reporters sans fontières «Repression Continues in China, One Year Before Olympic Games» [En ligne], (2007). http://www.rsf.org/rubrique.php3?id_rubrique=174 (page consultée le 26 octobre 2007).
Watts, Jonathan. « China’s False Start », The Guardian [En ligne], (Lundi, 6 septembre 2004). http://www.guardian.co.uk/comment/story/0,3604,1297873,00.html (page consultée le 25 octobre 2007).
[node:ad]