Bilan mitigé pour la journée sans Meta
La #journéesansMeta semble avoir atteint certains de ses objectifs, selon des données fournies par CrowdTangle, un outil de Meta.
Par Jean-Hugues Roy
Le nombre de publications Facebook s’adressant aux Québécois, ainsi que l’activité sur ces contenus, ont bel et bien enregistré des diminutions, le 15 septembre dernier, comparativement aux six vendredis précédents.
En effet, le nombre de publications en français effectuées par des pages Facebook dont le contenu est pertinent pour les abonnés de la plateforme au Québec a diminué de 15%. La somme des interactions sur ces contenus a par ailleurs reculé de près de 7% ce jour-là, toujours en le comparant avec la moyenne des six vendredis précédents.
Le 15 septembre 2023 était la journée ciblée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et la Société québécoise des professionnels en relations publiques pour inviter les gens à ne pas utiliser les plateformes de Meta afin de protester contre le blocage des nouvelles sur Facebook et Instagram.
L’entreprise de Mark Zuckerberg soutient qu’elle empêche ses abonnés au Canada d’accéder à des contenus d’information pour se conformer à la lettre de la loi C-18 sur les nouvelles en ligne. Elle proteste contre la loi qui l’obligerait à verser 62 millions de dollars par an pour soutenir le journalisme canadien. Cette somme représente 1,7% de son chiffre d’affaires au pays qui, en 2022, a atteint 3,75 milliards de dollars.
Évolution du nombre quotidien de publications en français par des pages Facebook pertinentes pour les Québécois entre le 1er août et le 15 septembre 2023.
Évolution de la somme quotidienne des interactions suscitées par des publications en français sur des pages Facebook pertinentes pour les Québécois entre le 1er août et le 15 septembre 2023.
Sur les deux graphiques ci-joints, seules les données du lundi au vendredi sont indiquées (l’activité sur Facebook est plus faible en fin de semaine); les lignes grises représentent les six semaines précédant celle du 11 septembre; la ligne rouge représente la semaine du 11 au 15 septembre.
Le graphique du nombre de publications montre que la semaine du 11 septembre a été particulièrement active, par rapport aux semaines précédentes, jusqu’au vendredi où le nombre de publications a chuté de manière significative.
On se console et on se désole
Quand on compare l’activité Facebook au Québec francophone à d’autres régions comparables (Ontario, Belgique, Suisse et Suède), le bilan apparaît cependant plus mitigé.
Il faut d’abord souligner que pour ce qui est du nombre de publications, la #journéesansMeta semble bel et bien avoir été un succès. La diminution des contenus observée au Québec est plus importante que ce qui a été observé ailleurs. Dans les régions européennes utilisées à titre comparatif, il y a eu beaucoup plus de contenu publié ce vendredi-là par rapport aux six vendredis précédents, qui coïncidaient avec les grandes vacances dans le Vieux continent. La hausse atteint presque 20% en Suisse romande, par exemple. En Ontario, on remarque une diminution de la quantité de contenu publié en ce 15 septembre. Mais la diminution, de 2% à peine, reste bien inférieure à celle qui a été observée au Québec.
En revanche, pour ce qui est de la somme des interactions, la diminution observée au Québec a été moins forte que des diminutions également enregistrées en Europe, chutes qu’il est impossible d’expliquer. L’Ontario anglophone, par contre, a vu un bond spectaculaire de près de 35% du nombre des interactions le 15 septembre comparativement aux six vendredis précédents. Si on ne comparait le Québec qu’à l’Ontario, on pourrait conclure que la #journéesansMeta a été un succès retentissant. Mais quand on le compare avec trois pays de taille semblable en Europe, le succès du mouvement devient plus relatif.
Comparaison entre le 15 septembre et les six vendredis précédents pour ce qui est du nombre de publications et de la somme des interactions suscitées par ces publications au Québec et dans quatre régions comparables
D’où viennent ces données? Quelle est la métho sur lesquelles elles s’appuient?
Le lundi 18 septembre 2023, en matinée, nous avons demandé à CrowdTangle les 300 000 publications Facebook ayant suscité le plus d’interactions entre le 1er août et le 15 septembre. Nous avons utilisé dans notre requête les filtres suivants: publications en français; pages administrées au Canada; publications en provenance de pages pertinentes pour les abonnés de Facebook situés au Québec. Meta détermine cette pertinence en fonction de la localisation des followers d’une page donnée .
Nous avons répété la même opération pour:
- l’Ontario (publications en anglais, pages administrées au Canada; publications en provenance de pages pertinentes pour les abonnés de Facebook situés en Ontario),
- la Belgique (publications en français, pages administrées en Belgique; publications en provenance de pages pertinentes pour les abonnés de Facebook situés en Belgique),
- la Suisse (publications en français, pages administrées en Suisse; publications en provenance de pages pertinentes pour les abonnés de Facebook situés en Suisse),
- la Suède (publications en suédois, pages administrées en Suède; publications en provenance de pages pertinentes pour les abonnés de Facebook situés en Suède)
Les indices suivants donnent à penser que les données retournées par CrowdTangle sont représentatives de l’ensemble de ce qui a été publié sur Facebook dans les régions ciblées durant cette période et ne sont donc pas des échantillons:
- dans tous les cas, le nombre de publications retournées n’a pas atteint la limite de 300 000 (il y en a par exemple un peu plus de 210 000 pour le Québec).
- dans toutes les régions, un nombre appréciable des publications n’ont suscité aucune interaction (entre 6% et 23%); comme ce sont les publications qui ont suscité le plus d’interactions qui ont été demandées, le fait qu’autant n’en aient suscité aucune est une indication que la totalité de ce qui correspondait aux filtres ci-dessus dans la base de données de CrowdTangle a été envoyé.
Les conditions d’utilisation de CrowdTangle interdisent de partager publiquement les jeux de données à la base de cette analyse, mais tout•e journaliste ou chercheur•e qui en fera la demande pourra y accéder en écrivant à l’auteur (roy.jean-hugues@uqam.ca).