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Dominique Payette: d’observatrice à actrice

Alors que les élections provinciales semblent devoir être déclenchées mercredi, chaque parti annonce ses candidats vedettes. Parmi eux, Dominique Payette dans Charlesbourg. L’ex-journaliste, professeure au département d'information et de communication de l’Université Laval, auteure en 2011 d’un rapport sur l’avenir de l’information au Québec et toute récente mairesse de Lac-Delage, se présente en effet sous…

Alors que les élections provinciales semblent devoir être déclenchées mercredi, chaque parti annonce ses candidats vedettes. Parmi eux, Dominique Payette dans Charlesbourg. L’ex-journaliste, professeure au département d'information et de communication de l’Université Laval, auteure en 2011 d’un rapport sur l’avenir de l’information au Québec et toute récente mairesse de Lac-Delage, se présente en effet sous les couleurs du Parti Québécois. Une bonne nouvelle pour la profession?

Alors que les élections provinciales semblent devoir être déclenchées mercredi, chaque parti annonce ses candidats vedettes. Parmi eux, Dominique Payette dans Charlesbourg. L’ex-journaliste, professeure au département d'information et de communication de l’Université Laval, auteure en 2011 d’un rapport sur l’avenir de l’information au Québec et toute récente mairesse de Lac-Delage, se présente en effet sous les couleurs du Parti Québécois. Une bonne nouvelle pour la profession?

Par Hélène Roulot-Ganzmann

Projet J s’est longuement entretenu avec Dominique Payette le mois dernier à l’occasion du troisième anniversaire du dépôt de son rapport sur l’avenir du journalisme, commandé par le gouvernement libéral de l’époque et sa ministre des communications Christine Saint-Pierre.

Malgré les apparences, elle affirmait alors que son rapport n’était pas mort et enterré. Et si elle n’était pas tendre envers l’immobilisme des journalistes et de leurs représentants, elle pestait également sur le peu d’entrain du gouvernement péquiste d’aller de l’avant, notamment sur la question de la mise en place d’une plateforme web d’informations interrégionales, pilotée par Télé Québec. Recommandation du rapport, que le gouvernement péquiste avait annoncé faire sienne lors de la dernière campagne, mais qui, dix-huit mois plus tard, est toujours dans les cartons.

«Si aucune de mes recommandations n’a été mise en place pour l’instant, j’ai de l’espoir concernant deux d’entre elles, assurait-elle pourtant. Sur la situation catastrophique du journalisme indépendant, qui impacte forcément la qualité de l’information, il semble que les personnes compétentes se soient saisies du dossier et que l’idée d’une négociation collective fasse son chemin. Et concernant la plateforme interrégionale, elle est prête. Elle a même été annoncée à deux reprises au moins. Quand ils auront les ressources, ils vont le faire. Ce n’est plus qu’une question de priorité.»

Préoccupée par les news deserts

Quant a savoir si elle fait son entrée sur la scène politique provinciale pour défendre ces dossiers, Dominique Payette répond à nos confrères du Charlesbourg Express, que s’il ne tenait qu’à elle, elle ne ferait qu’une seule promesse à ses électeurs, qu’ils n’aient jamais honte d’elle.

Difficile de croire pourtant que lorsque la première ministre Pauline Marois a pris son téléphone pour demander en personne à l’auteure d’un rapport sur l’avenir du journalisme qui fait référence dans toute la profession de porter les couleur de son parti, il n’ait pas été question de la possibilité de mettre en application plusieurs de ses recommandations.

«J’avais envie de plonger dans l’action», répond encore celle qui s’inquiète par-dessous tout de l’avenir de la diversité de l’information régionale au Québec à Viviane Asselin, journaliste du Charlebourg Express, propriété de TC Media.

Une inquiétude qui l’a menée à recommander notamment des mesures de soutien à la presse régionale indépendante, par le biais de crédits d’impôt à l’embauche de journalistes à l’extérieur de Montréal et de Québec.

Lors d’une conférence donnée au mois de septembre dernier à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) à l’invitation du Centre de recherche interdisciplinaire sur la communication, le Gricis, Mme Payette décrivait un phénomène, qui selon elle, est de plus en plus préoccupant au Québec même si on en parle encore peu, mais qui commence à être bien documenté de l’autre côté de la frontière, à savoir les news deserts, «ces zones désertées par les médias parce que le marché publicitaire potentiel qu’elles constituent n’est plus assez intéressant».

Compétences civiques vs qualité de l’information

Phénomène préoccupant selon elle parce que si les journalistes sont les garants de la démocratie, les dernières études démontrent également que dans les zones où il n’y a plus de journaux locaux, l’intérêt des habitants pour la chose politique est en berne et le taux de participation aux élections très bas.

«Depuis 2004, les travaux d’Henry Milner sur la compétence civique illustrent ce point, commente-t-elle. D’après ses conclusions, la compétence civique d’une nation et la qualité de l’information à laquelle elle a accès sont directement liées.»

«On commence à peine à mesurer les conséquences de ces fermetures ou diminution de services et de l’offre en information sur l’activité démocratique, poursuit-elle un peu plus loin. En 2013, Schulhofer-Wohl a par exemple étudié l’impact sur l’activité citoyenne dans les banlieues de Cincinnati de la fermeture du Cincinnati Post. Il constate une baisse du taux de participation électorale municipale, une baisse du nombre des candidatures aux postes électifs municipaux, moins d’investissement personnel  des candidats dans la campagne, et une propension plus grande à la réélection des élus déjà en poste.»

«On l’explique comment?, demande-t-elle. Une information de proximité doit renseigner sur les enjeux locaux, sinon on peut juger que ce n’est pas nécessaire ou utile d’aller voter; elle contribue aussi à la cohésion sociale et identitaire de la communauté créant un sentiment d’appartenance des citoyens qui peut les inciter à voter. L’information permet aussi de savoir si les élus sortants font bien leur travail ou non; en absence d’information à leur sujet, il est normal qu’un plus grand nombre d’entre eux soit réélus.»

Lutte sévère dans Charlesbourg

De colloques en entrevues, Dominique Payette ne cesse de marteler que le journalisme québécois s’en va tout droit dans le mur s’il ne réagit pas très vite et si toute la société ne se mobilise pas pour permettre aux journalistes de se remettre au service de l’intérêt public plutôt que de répondre, même de manière insidieuse, aux intérêts économiques des conglomérats auxquels ils appartiennent.

Quand on connait son franc parler, il est peu imaginable qu’elles enterrent ses idéaux pour suivre une ligne de parti ou par opportunisme politique. Gageons que toutes ces questions, qu’elle juge inaliénable au bon fonctionnement de la démocratie, feront donc partie du débat dans les semaines qui viennent, voire dans les prochains mois si elle fait son entrée à l’Assemblée nationale, voire si elle se voit confier un ministère…

La lutte s’annonce cependant sévère dans la circonscription de Charlesbourg, qui n’est d’ailleurs pas revenue dans le giron péquiste depuis plus de trente ans et où, en plus de la députée caquiste sortante Denise Trudel, Dominique Payette aura probablement à affronter son collègue de l’Université Laval, le doyen de la faculté des sciences sociales François Blais, qui, selon les informations du journal Le Soleil, devrait être le candidat du Parti libéral.

Références:

Schulhofer-Wohl Sam et Miguel Garrido. (2009) Do Newspapers Matter ? Evidence From the Closure of The Cincinnati Post. National Bureau of Economics Research. http://ideas.repec.org/p/pri/wwseco/1140.html

Milner, Henry (2004) La compétence civique. Comment les citoyens informés contribuent au bon fonctionnement de la démocratie. Québec. Presses de l’Université Laval

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