Guerre entre le Hamas et Israël : les médias québécois se déploient
par Antoine Char
La stupéfaction ! Dès les premières heures du 7 octobre 2023, les médias québécois se sont ralliés derrière Israël frappé par l’opération militaire « Déluge d’al-Aqsa » du Hamas. Rien de surprenant. Partout ailleurs en Occident, ce samedi sanglant a été couvert avec le même regard de consternation.
Ceux qui le pouvaient financièrement se sont vite détachés des dépêches d’agences pour envoyer un journaliste sur place. Radio-Canada (avec Marie-Ève Bédard et Raphaël Bouvier-Auclair), Noovo Info (avec Marie-Michèle Lauzon) et La Presse (Vincent Larouche, notamment) ont été les premiers à le faire.
« C’est l’équivalent d’un 11 septembre ! », rappelle Luce Julien, directrice générale de l’information de Radio-Canada.
Pour François Cardinal, éditeur-adjoint et vice-président information à La Presse, « ce conflit est majeur, et aura des conséquences importantes sur la géopolitique de la région ». Le 10 octobre) le journal a dépêché en Israël la journaliste Isabelle Hachey et le photographe Dominick Gravel. « Un voyage comme celui-ci peut coûter environ 25 000 $, poursuit Cardinal. Le conflit est très suivi, ce fut hier (9 octobre) et aujourd’hui (10 octobre) le texte le plus lu de notre édition La Presse+. »
Par centaines
De manière générale, ces dernières années, les reportages des médias montréalais sur le conflit israélo-palestinien se comptent par centaines.
Ici, comme ailleurs, aucun point chaud de l’actualité internationale ne capte autant l’attention médiatique. C’est l’un des brûlots géopolitiques les plus complexes et surtout passionnels.
Mais voilà, aucun de nos médias n’a de correspondant en Israël, couvert en permanence par un demi-millier de journalistes étrangers.
« Nous sommes arrivés sur le terrain, lundi, 48 heures après nos collègues américains et européens. Je les enviais ! », explique Luce Julien qui rappelle que la société d’État a déjà eu un bureau à Jérusalem. « Ça coûte cher des bureaux, des centaines de milliers de dollars. »
Dans tous les cas, couvrir le conflit israélo-palestinien est « extrêmement délicat, pas toujours facile, mais nous sommes fiers de nos nombreuses émissions spéciales avec Céline Galipeau, notamment, qui connaît bien la région ».
L’animatrice vedette va-t-elle être dépêchée sur le terrain ? « Pas pour l’instant. »
Hypersensibilité à une cause …
Même s’ils s’astreignent à l’objectivité, nos médias finissent souvent par être critiqués pour leurs biais, leur hypersensibilité à une cause plutôt qu’à une autre. Les prochaines semaines le prouveront.
Pour l’heure, les journalistes et les médias suivent les consignes du Conseil de presse du Québec (CPQ) en faisant preuve d’« absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier ».
C’est loin d’être le cas sur les réseaux sociaux, comme l’a fait notamment remarquer Noovo le 9 octobre avec une vidéo de deux minutes nous rappelant que s’ils sont au centre de notre quotidien, l’information qui y est véhiculée est dure à vérifier.
Un exemple ? Une équipe de vérificateurs de faits de l’AFP a démontré qu’une image circulant en ligne et prétendant montrer des soldats israéliens capturés par le Hamas a en réalité été prise en 2022 durant un exercice militaire à Gaza.
Pour Pierre-Olivier Zappa, le chef d’antenne du TVA 22 heures, « plus que jamais, les Québécois sont exposés à une multitude de sources d’informations. Départager le vrai du faux devient un défi quotidien. Nos équipes redoublent d’efforts pour vérifier et contrevérifier l’information.
« Le conflit entre Israël et le Hamas est complexe, et ses ramifications sont multiples, notre devoir est de permettre aux téléspectateurs de comprendre l’impact de ces événements et de poser un regard plus éclairé sur le monde qui les entoure. »
Complexe « vérité»
Le cadrage des événements actuels par nos médias traditionnels reste encore ce qui se rapproche le plus de la complexe « vérité » proche-orientale.
Pour François Brousseau, « la tendance pro-palestinienne générale » dans les médias québécois « domine traditionnellement ».
Mais, ajoute le chroniqueur international à Radio Canada et au Devoir, « on note tout de même, cette fois-ci et devant la violence inouïe de l’attaque, peut-être une plus grande sensibilité à la souffrance israélienne […] que ce qu’on voit d’habitude dans nos médias. »
Ici comme ailleurs en Occident, les médias seront toujours entre le marteau et l’enclume pour couvrir le conflit israélo-palestinien qui marque au fer rouge l’actualité depuis des décennies.