La FPJQ taxée de corporatisme
De passage à Gatineau aujourd'hui, la consultation publique sur l'information d'intérêt public dans les médias bât son plein. Elle faisait escale à Québec vendredi et à Gaspé il y a deux semaines. Dans ces deux villes, les sections régionales de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) se sont présentées leur mémoire sous le bras pour plaider pour l’instauration d'un titre professionnel de journaliste gérer par leur fédération. Mais vendredi, la ministre Christine Saint-Pierre a déploré l'«attitude de fermeture de la FPJQ».
De passage à Gatineau aujourd'hui, la consultation publique sur l'information d'intérêt public dans les médias bât son plein. Elle faisait escale à Québec vendredi et à Gaspé il y a deux semaines. Dans ces deux villes, les sections régionales de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) se sont présentées leur mémoire sous le bras pour plaider pour l’instauration d'un titre professionnel de journaliste gérer par leur fédération. Mais vendredi, la ministre Christine Saint-Pierre a déploré l'«attitude de fermeture de la FPJQ».
«On nous a taxés de faire preuve de corporatisme», rapporte le journaliste indépendant Alain Castonguay qui présentait le mémoire de la section Québec de la fédération avec sa collègue du Soleil Valérie Gaudreau. La ministre réagissait ainsi à l'action concertée des sections régionales de la FPJQ pour s'opposer à la création d'une nouvelle structure de gestion du titre professionnel. «La FPJQ-Québec ne voit pas l’utilité de créer un nouvel organisme pour s’occuper d’une telle responsabilité. Cela ne ferait qu’alourdir la procédure simplifiée qui existe déjà pour déterminer les règles d’adhésion à la FPJQ», peut-on en effet lire dans le mémoire présenté vendredi.
Le rapport Payette, qui a inspiré la consultation en cours, va d'ailleurs dans le même sens puisqu'il propose la création d'une structure de gestion du titre relevant de la FPJQ et recommande même que l'organisme bénéficie d'une aide financière pour jouer ce rôle. Il propose que 25% du budget annuel du Fonds pour le journalisme québécois, créer en utilisant une partie de la TVQ sur la vente de journaux, lui soit versé, soit une enveloppe annuelle de 100 000 dollars.
Le mémoire de la FPJQ-Québec réitère également la frilosité de la fédération à l'égard du processus de consultation publique: «nous ne voyons pas l’utilité de consulter l’ensemble de la population sur une question qui concerne d’abord et avant tout les artisans du métier», peut-on y lire. À ce chapitre, la professeure Dominique Payette n'est pas d'accord. «Les journalistes tiennent à définir eux-mêmes le journalisme, mais là on discute de comment le journalisme s'inscrit dans la société. Les citoyens ont leur mot à dire là-dessus, surtout si l'État puise dans les fonds publics pour venir en aide à l'information», expliquait-elle à ProjetJ en août.
Le professeur Marc-François Bernier, qui a lui aussi défendu son mémoire devant la ministre vendredi, estime, comme la ministre St-Pierre, que la FPJQ fait preuve de corporatisme dans ce dossier. Selon lui, la gestion du titre devrait être confiée à un Comité du statut du journaliste professionnel. «Pour ne pas dénaturer ni discréditer le statut de journaliste professionnel, il faut éviter à tout prix que la gestion de ce statut soit reliée de près ou de loin à quelque groupe d'intérêt. Cela permet d'éviter que des acteurs soient à la fois juges et parties, car les détenteurs du statut de journaliste professionnel seront tantôt des cotisants, tantôt des employés, tantôt des membres et pourraient tenter d'influencer les décisions», écrit-il.
«Si la FPJQ persiste dans sa volonté de regrouper et de représenter les journalistes détenteurs du statut légal de journaliste professionnel, on doit se demander s'il est convenable d'accorder une telle responsabilité à un organisme fondé sur l'adhésion volontaire. À plus forte raison, on conçoit mal que ceux qui détiennent le statut légal de journaliste professionnel soient obligés d'adhérer à un organisme qui ne relève pas des lois professionnelles du Québec. Finalement, il serait risqué que la FPJQ soit le gestionnaire direct ou indirect du statut professionnel de journalistes, car chaque décision risquerait d’affecter son membership et son financement. Une certaine complaisance pourrait s’installer au fil du temps», poursuit l'éthicien.
Son message semble avoir la faveur de la ministre qui a demandé vendredi à la FPJQ d'être moins «rigide» et a martelé que l'objectif de sa consultation publique n'était pas de discuter des pouvoirs de la fédération, mais d'améliorer la qualité de l'information au Québec. Brian Myles n'a pas voulu commenter l'accrochage. «On va faire les remarques appropriées aux interlocuteurs, mais par d'autres canaux que les entrevues», a-t-il indiqué. Au printemps, il avait déjà dû faire face aux critiques de son confrère du Devoir, Louis-Gilles Francœur, et de la Fédération nationale des communications (FNC) qui s'étaient eux aussi opposés à ce que la FPJQ soit la gardienne du titre professionnel. Pour eux, ce rôle devrait plutôt incomber au Conseil de presse du Québec, l'«arbitre ultime en matière de déontologie».
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October 25, 2011
Je comprends l’opinion
Je comprends l'opinion exprimée par la professeure Payette, mais la question du financement de la gestion du statut professionel n'était pas du tout abordée par le document de consultation. Si le statut professionnel était associé à divers privilèges, comme elle le propose, la contribution du public à la définition des règles d'admissibilité à un tel statut serait pertinent. Mais le projet soumis par la FPJQ n'est justement pas assorti de semblables privilèges.
La FPJQ suggère, de manière me semble-t-il parfaitement raisonnable dans le contexte de rareté des ressources, d'éviter de créer une nouvelle structure qui servirait à reproduire ce qui existe déjà dans la réalité.
La FPJQ gère déjà les demandes d'adhésion, lesquelles sont associées à la reconnaissance aux règles déontologiques. Un comité du titre est prévu pour s'occuper des cas litigieux. Il ne serait pas si compliqué d'ajuster la mécanique de la reconnaissance professionnelle aux exigences légales nouvelles, incluant bien sûr l'attribution du statut professionnel à des journalistes qui ne désirent pas être membres de la Fédération.
De son côté, le Conseil de presse pourra continuer de s'occuper des questions déontologiques, comme il le fait déjà. Il existe déjà un comité qui entend les appels des décisions déontologiques rendues par le Conseil. Tant que ce ne sont pas les mêmes gens qui entendent l'appel, où est le problème?
Si le gouvernement considère qu'il y a là un potentiel conflit d'intérêts, devrait-il réviser la totalité de l'encadrement déontologique des ordres professionnels, qui fonctionne de la même manière?
La ministre St-Pierre était manifestement de mauvais poil, ce vendredi 21, car elle a aussi demandé aux représentants des journaux communautaires d'arrêter de répéter le "spin" de leur association provinciale, l'AMECQ. Ses membres ont dit craindre l'abolition du programme d'aide aux médias communautaires, et la ministre leur a demandé d'arrêter de répéter ça, que ce n'était pas vrai et que tel n'avait jamais été l'intention du gouvernement. Pourtant, en page 18 du document de consultation, le Ministère demande de répondre à la question suivante: "Le soutien de l'État (aux médias communautaires) est-il toujours pertinent?"
Le professeur Bernier est dans l'erreur quand il prétend que les journalistes professionnels devront obligatoirement adhérer à la FPJQ. Cette adhésion est déjà, et le restera, volontaire. Tout comme l'adhésion aux règles associées au statut professionnel deviendra, comme il le dit lui-même, une "contrainte librement consentie": ceux qui n'en veulent pas ou craignent de se faire "soviétiser" pourront continuer d'exercer leur métier comme ils le font déjà. Et ils resteront libres d'expliquer pourquoi ils ne veulent pas être "régulés".
Nous comprenons mal en quoi l'affablissement des organisations qui représentent, s'intéressent, critiquent ou défendent les journalistes, comme la FPJQ et le Conseil de presse du Québec, apportera une quelconque amélioration à la situation que le rapport Payette visait à améliorer; en l'occurrence, valoriser le métier et contribuer à la promotion de l'éthique dans la pratique du métier.