Le journaliste Sébastien Desrosiers à la recherche de la vérité
Par Antoine Char
Sébastien Desrosiers de Radio-Canada doit sûrement penser à Albert Camus pour qui « le journalisme est l’historien de l’instant », car à la question « qu’est-ce que le journalisme pour vous ? », il répond sans hésiter : « Documenter l’histoire avec un grand H en temps réel . »
Difficile certes, quand les événements au quotidien sont toujours inachevés. Mais qu’importe, « le journalisme peut être plusieurs choses à la fois. Pour moi, c’est la recherche de la vérité, c’est un outil pédagogique, de transmission de la culture ».
Très bien, mais pourquoi avoir choisi ce noble métier pas très populaire en ces temps-ci si l’on se fie aux sondages ?
« J’ai toujours eu une certaine facilité à communiquer, à raconter des histoires. J’ai vu dans le journalisme une occasion de mettre à profit ces habiletés et surtout une occasion formidable d’apprendre au quotidien. Chaque journée me permet d’explorer un nouvel univers : la politique, l’agriculture, l’éducation, la santé, l’immigration, etc. J’espère transmettre ces apprentissages de la façon la plus claire qui soit. »
D’accord, mais pourquoi la télévision ? « C’est arrivé un peu par accident. J’ai essayé, j’ai aimé. C’est également un médium à travers lequel il me semble plus facile de transmettre de l’émotion. »
Rimouski, Matane et Montréal
Diplômé de l’Université Laval (baccalauréat en communication publique), Sébastien Desrosiers, 32 ans, est entré à Radio-Canada en 2015. Il passe deux ans à Rimouski puis à Matane avant d’intégrer la salle des nouvelles de Montréal en 2017.
Depuis, la Société d’État l’a envoyé aux États-Unis à trois reprises « pour des remplacements au bureau de Washington ou pour couvrir la dernière campagne présidentielle ».
Ce qui l’a surtout marqué c’est le «Super Mardi» du 3 mars 2020 lorsque les démocrates de 14 États votèrent pour choisir leur candidat devant affronter Donald Trump lors de la présidentielle.
« J’étais dans un rassemblement de Bernie Sanders au Vermont, il était à ce moment le meneur de la course pour devenir le candidat démocrate, mais il a été supplanté par Joe Biden ce soir-là. »
Sébastien Desrosiers rêve d’être correspondant à Washington. Il a une affinité particulière avec les États-Unis. « Quand j’étais jeune j’étais intéressé par le mouvement des droits civiques. Un combat qui m’a inspiré et m’a amené à m’intéresser à la politique américaine.»
Son père est Rwandais, il l’a rencontré pour la première fois à Montréal en 2018.
Questionnement identitaire
Déchirer entre deux identités, la québécoise et l’africaine, son questionnement identitaire le conduit deux ans plus tard à Kigali où il réalise un documentaire de 21 minutes : Ndagukunda déjà.
Un devoir de mémoire qui l’a marqué.
« J’ai grandi avec ma mère, mais j’ai toujours senti que j’étais un peu étranger chez moi. Un petit garçon à la peau noire à Drummonville ça attirait les regards et les commentaires […] Aujourd’hui je m’accepte un peu mieux comme je suis. Je suis Québécois, mais est-ce que j’ai le droit d’être Rwandais aussi ? J’aimerais me rapprocher de mes racines africaines tout en gardant mon identité propre au Québec. »
D’une certaine manière n’est-ce pas là un peu l’histoire de Barack Obama, né d’une mère blanche du Kansas et d’un père kényan ? « Absolument, j’ai lu son premier livre Dreams from My Father qui m’a bouleversé, j’aurais pu écrire des pans entiers de son livre. C’est la première fois que j’ai lu quelque chose et que je me suis reconnu. J’ai dit : Ça c’est moi ! Ça m’a vraiment inspiré », répond-il avec fierté.
Comment expliquer la sous-représentation des minorités ethniques dans les médias montréalais, surtout francophones ? Desrosiers n’a « malheureusement » pas de réponse.
« Il y a très certainement un enjeu de représentativité. Moins il y a de journalistes des minorités visibles, moins de jeunes sont susceptibles de se reconnaître dans le métier. J’observe des progrès, notamment à Radio-Canada, mais force est de constater qu’il reste du chemin à faire. »
Plus du tiers des Montréalais sont issus de l’immigration.
Tous les jours, « un nouvel univers »
Permanent à Radio-Canada depuis 2020, Sébastien Desrosiers est un touche à tout. « Je suis un généraliste ! La beauté du métier c’est qu’à chaque jour on entre dans un nouvel univers. Le seul élément que ça prend c’est d’être curieux, de vouloir apprendre. »
De tous ses reportages, trois à quatre par semaine en moyenne, son préféré cette année est celui sur l’itinérance et les demandeurs d’asile .
« Je m’intéresse beaucoup au chemin Roxham et à l’immigration en général. »
Où se voit-il dans cinq ans ? « J’ai toujours eu ce rêve comme bien des reporters d’être correspondant à l’étranger . »
Oui, mais.. pourquoi l’international est-il encore et toujours le parent pauvre de nos médias, surtout l’Afrique ?
« Je ne peux qu’offrir des hypothèses. Il est certain que le journalisme international demande des ressources considérables, financières et autres. Le public a-t-il un intérêt marqué pour ce type de contenu ? J’aime croire que oui . »
Présentateur de nouvelles
Sébastien Desrosiers a présenté les nouvelles à quelques reprises à RDI. « Je suis content d’avoir eu cette chance là, mais j’aime mieux faire du reportage de terrain, je fais ce métier pour rencontrer des gens, raconter leur histoire. »
Un métier « où l’on travaille aujourd’hui avec des délais assez courts, où l’on nous demande de donner des réponses rapidement à des questions complexes, parfois les gens vont regarder ailleurs, sur les réseaux sociaux par exemple … Il y a
vraisemblablement-là, rupture d’un certain lien de confiance.
« Il y a une méconnaissance du métier qu’on fait. Des gens auraient intérêt à nous accompagner pendant une journée pour voir comment on réalise un reportage. »
Dans tous les cas, Sébastien Desrosiers est en communion avec Albert Camus pour qui « la profession de journaliste est une des plus belles que je connaisse ».