Les Cahiers du journalisme N 18 | La médiation de presse
À
l’heure de la démocratie participative, de l’interactivité, du
« journalisme citoyen » (ou du « citoyen journaliste » ?),
l’organisation de la relation entre un média et son public fait de plus
en plus débat. Les forums en ligne se multiplient où chacun, amateur ou
professionnel, acteur ou spectateur, vient donner son point de vue sur
le traitement de l’actualité ou sur le comportement de tel ou tel
organe d’information. La fréquence et la spontanéité de ces échanges
est un baromètre, parmi d’autres, de l’intérêt du public pour l’espace
médiatique. Cette montée en puissance de la parole citoyenne, sur fond
de technologies toujours plus nouvelles et toujours plus performantes,
pourrait laisser croire que les lecteurs, les auditeurs, les
téléspectateurs, viennent seulement d’avoir leur mot à dire. Ce serait
oublier un peu vite les médiateurs de presse.
On sait que la fonction trouve son origine dans la
Suède du début du 19e siècle, même si à l’époque elle ne concernait pas
la presse et s’il faut distinguer le médiateur de l’ombudsman
(cf. Marc-François Bernier). Au début des années 1970, les médiateurs
de presse apparaissent aux États-Unis, puis au Canada. En France, le
premier aura été celui du quotidien Le Monde (André Laurens, en 1994).
Le dossier de ce numéro des Cahiers du journalisme fait le point sur cette fonction jeune encore, et qui s’exerce maintenant dans un contexte où le « public a décidé de s’installer durablement dans la critique des médias et de l’élaboration de la production éditoriale »
(cf. Patrick Pépin). À quoi sert un médiateur de presse ? quelles sont
les limites de la fonction ? sur quoi repose sa légitimité face au
développement des blogs, des commentaires en direct et autres modes
d’expression du public ? en quoi l’expression critique du public
est-elle prise en compte ? quelles procédures mettre en place pour
mieux garantir l’indépendance du médiateur ?
Si ce dossier apporte plusieurs éclairages sur la fonction de médiateur de presse, il ne saurait clore le débat sur la responsabilité des médias et des journalistes. En France, une « association de préfiguration d’un conseil de presse » a vu le jour fin 2006. Inspirée des exemples suisse ou québécois, la mise en place d’un tel conseil vise à offrir un espace commun où, précisément, les tensions éthiques concernant les médias et leur fonctionnement pourront être analysées et publiquement débattues (cf. Nathalie Dollé).
Face à la « défiance grandissante d’une majorité de citoyens au regard de l’information qu’on leur propose », les journalistes et organisations professionnelles réunis à Lille et Arras en mars 2007 pour leurs premières Assises ont diffusé un appel solennel par lequel ils s’engagent à « élaborer une charte d’éthique et de déontologie commune à toute la profession. Inspirée des textes existants en France et en Europe, elle définira les droits et les devoirs des journalistes aux fins d’être annexée à la Convention collective des journalistes » (Les Assises Internationales du journalisme).
L’École supérieure de journalisme de Lille, pour sa part, est engagée dans la mise en place de la Fondation « Médias et Citoyens » qui aura pour objet d’encourager toutes formes de dialogue entre les journalistes et les entreprises, les responsables politiques et associatifs, les élèves et les enseignants.
On le voit, nombreuses sont les initiatives qui visent à apporter une réponse aux attentes de journalistes, lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, en quête de sens et à la recherche d’une juste définition des responsabilités de chacun. On ne se plaindra pas ici de cette (très relative) abondance. Il faudra tout de même recenser dans quelques années les vraies mesures qui auront été prises pour installer médias et citoyens dans une relation mieux assumée, plus mûre. Une fois la distinction établie entre les effets de mode ou les approches commerciales et les démarches davantage reliées à une préoccupation éthique, la place du médiateur sera peut-être renforcée
Marc Capelle
Directeur du développement, École supérieure de journalisme de Lille