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Les écoles de journalisme devraient-elles bannir les stages non rémunérés?

Au département de journalisme de Concordia, nous considérons la pertinence de nous positionner clairement en faveur ou non des stages non rémunérés. Comme c’est le cas parmi les journalistes, les universitaires sont déchirés sur cette question, certains se demandant si le fait que les écoles et les départements de journalisme acceptent d’afficher les annonces proposant…

Au département de journalisme de Concordia, nous considérons la pertinence de nous positionner clairement en faveur ou non des stages non rémunérés. Comme c’est le cas parmi les journalistes, les universitaires sont déchirés sur cette question, certains se demandant si le fait que les écoles et les départements de journalisme acceptent d’afficher les annonces proposant des stages non rémunérés équivaudrait à soutenir tacitement cette pratique.

 

 

Par Janice Tibbetts, professeur de journalisme à l’Université Concordia à Montréal. Elle a travaillé durant plus de deux décennies pour les quotidiens du groupe Posmedia News, la Presse Canadienne, le Chronicle-Herald, le Halifax Daily News. Elle a surtout couvert les affaires judiciaires et la politique tant fédérale que provinciale.

Traduction d’un article paru initialement sur J-Source le 27 mai 2014.

 

Au département de journalisme de Concordia, nous considérons la pertinence de nous positionner clairement en faveur ou non des stages non rémunérés.

Comme c’est le cas parmi les journalistes, les universitaires sont déchirés sur cette question, certains se demandant si le fait que les écoles et les départements de journalisme acceptent d’afficher les annonces proposant des stages non rémunérés équivaudrait à soutenir tacitement cette pratique.

Le débat autour des stages non rémunérés est présent dans la société depuis des décennies, de manière plus ou moins prégnante. Mais il s’est intensifié ces derniers mois lorsque le ministre du travail de l’Ontario ordonna aux magazines The Walrus et Toronto Life de stopper leurs programmes de stages, prétextant qu’ils violaient la loi provinciale sur les normes d’emploi.

Les enseignants des écoles de journalisme de tout le Canada , réunis en mai dernier pour une convention à l’Université Ryerson ont donc discuté de l’opportunité de d’adopter une politique commune.

Depuis toujours, les écoles considèrent le stage comme une partie essentielle du cursus, permettant aux étudiants d’intégrer plus facilement le marché du travail une fois diplômés. Dans certaines formations, il conditionne même l’obtention du diplôme alors que dans d’autres, il n’est qu’optionnel. À Concordia, il n’y a pas de stage obligatoire, même si le département encourage les étudiants a en faire. L’école publie les offres – qu’elles soient rémunérées ou non – qu’elle considère comme bénéfiques pour les étudiants.

Les stages, même non payés, présentent des avantages considérables, cela fait consensus: les étudiants se font des contacts, une expérience, et parfois même, ils en sortent avec un emploi payé.

En revanche, les stages non rémunérés favorisent ceux qui ont les moyens de travailler gratuitement, pénalisant du même coup ceux qui ne peuvent pas se permettre le luxe de le faire. Ce sont d’ailleurs souvent ces derniers qui ont, à la base, moins de contacts dans les médias. De ce fait, les stages non payés donnent l’opportunité aux étudiants les plus nantis de renforcer leur CV, au détriment de ce qui le sont moins.

De plus, il crée une situation inédite, dans laquelle le travail gratuit remplace de plus en plus souvent le travail payé. Ainsi, nommer maintenant certains postes «stages»  devient un moyen de contourner le salaire minimum.

Lorsqu’ils débattent de la question, les journalistes et les écoles de journalisme font souvent la distinction entre les stages courts, durant généralement deux ou trois semaines durant l’année scolaire et ceux, plus longs, qui sont faits durant les vacances d’été ou après l’obtention du diplôme. Le premier est souvent considéré comme une belle opportunité de gagner en expérience. Mais en appeler à des aspirants journalistes pour travailler gratuitement durant des mois est une toute autre pratique.

Ce dilemme dépasse d’ailleurs le journalisme. Bien qu’il y ait un manque flagrant de données concernant le phénomène des stages non rémunérés au Canada, le magazine University Affairs a estimé ce chiffre à 30 000. La publication, qui a sondé les universités, rapporte d’ailleurs qu’un éventail de politiques coexiste, souvent même au sein d’une même institution.

L’école de journalisme de l’Université de Régina, qui oblige les étudiants à faire un stage de treize semaines, n’approuve que ceux qui sont rémunérés. Ryerson encourage les stages, mais n’en fait pas une condition obligatoire, et surtout n’insiste pas sur le fait qu’ils doivent être payés. Les étudiants peuvent aussi préférer prendre des cours supplémentaires plutôt que l’expérience du terrain. 

À Concordia, les étudiants reçoivent des bourses pour compenser le travail non payé. Autre option, le nouveau programme, en place depuis cette année, et qui rend les étudiants ayant les meilleures notes, éligibles pour obtenir un travail rémunéré. 

Le département de journalisme souhaite examiner les politiques et les pratiques récurrentes dans les autres écoles de journalisme canadiennes afin de décider de la politique à adopter.

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