Paule-Beaugrand-Champagne
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Sans un financement assuré, l’avenir du Conseil de presse du Québec est menacé, selon Paule Beaugrand-Champagne

Par Philippe Lapointe Le Conseil de presse du Québec (CPQ) aura 50 ans cette année. Créature tripartite, le Conseil réunit autour d’une même table les médias, les journalistes et des représentants du public. Sorte de conscience morale de l’information, le Conseil de presse joue le rôle de « tribunal d’honneur ». Il répond aux plaintes, les analyse…

Par Philippe Lapointe

Le Conseil de presse du Québec (CPQ) aura 50 ans cette année. Créature tripartite, le Conseil réunit autour d’une même table les médias, les journalistes et des représentants du public. Sorte de conscience morale de l’information, le Conseil de presse joue le rôle de « tribunal d’honneur ». Il répond aux plaintes, les analyse et rend ses décisions sur la base de l’éthique journalistique, codifiée dans le Guide de déontologie du Conseil. Il n’a d’autorité autre que morale, et les membres y participent sur une base volontaire.

Recevoir un blâme du Conseil de presse n’est pas une mince affaire, autant pour un journaliste que pour le média qui l’emploie, si bien que de nombreux journalistes et leurs patrons entretiennent une relation d’amour-haine avec le Conseil. On est souvent choqué contre lui, mais au bout du compte, l’importance de son rôle fait consensus. Consensus, mais pas unanimité. Il arrive que des médias menacent de se retirer, devant un blâme qu’ils trouvent immérité. Certains le font. The Gazette s’est retirée en 2017, puis y est revenue en 2020. Les médias de Québécor ne sont plus membres depuis 2010. Québécor poursuit le Conseil de presse pour diffamation et demande que le Conseil de presse cesse de rendre des décisions à son endroit. L’action du Conseil, en vertu de son mandat, s’étend à tous les médias, incluant ceux qui ne sont pas membres.

Pour faire le point sur le Conseil de presse, j’ai rencontré sa présidente sortante, Paule Beaugrand-Champagne, qui termine deux mandats consécutifs de 4 ans à la tête de l’organisme. Avant de présider le Conseil de presse, Paule a connu un parcours remarquable dans l’univers des médias, d’abord comme journaliste, puis cadre en information. Comme présidente de la FPJQ, c’est elle qui avait créé le magazine Le Trente. Comme gestionnaire, elle a occupé avec brio d’importants postes de direction à Télé-Québec, chez Québecor, au Devoir, à La Presse, à L’actualité, à RDI.

Est-ce que le Conseil de presse est encore pertinent aujourd’hui?

Plus que jamais. Le public n’a jamais autant fait appel au Conseil de presse. Le nombre de plaintes augmente année après année. Cette tendance très nette a commencé avant la pandémie et s’est encore accélérée depuis deux ans.

Mon interprétation, c’est que le public a vraiment confiance dans le bon jugement du Conseil, qui est une référence en matière d’éthique journalistique.

Quelle est la nature des plaintes?

L’immense majorité des plaintes porte sur la vérité : « Est-ce que la nouvelle est vraie? Est-ce que le reportage rapporte les faits exacts? Est-ce que le contenu qui est lu, vu ou entendu est conforme aux faits? ». Clairement, c’est ce qui préoccupe le plus les gens : Est-ce que les médias disent la vérité? Le public s’attend des médias qu’il ne publient pas de fake news.

Jusqu’à quel point la présence des médias sociaux change-t-elle la manière de travailler du Conseil de presse?

Les médias sociaux ont un impact considérable. Les plaintes arrivent beaucoup plus vite, et peuvent créer un effet d’entraînement, comme nous l’a montré l’affaire Élisabeth Rioux. Avec ce qui ressemblait à du « copier-collé », nous avons atteint rapidement le nombre absolument hors-norme de 1 400 plaintes et nous avons été débordés. Depuis, nous avons mis en place des mécanismes pour faire face à ce genre de situation (NDLR : des fans de l’influenceuse avaient porté plainte contre Québécor à propos de commentaires sur l’apparence physique d’Élisabeth Rioux, au moment où celle-ci accusait son ex-conjoint de violence conjugale. La plainte avait été rejetée par le Conseil).

Pense-tu que c’est envisageable que les médias de Québécor reviennent au Conseil de presse?

C’est certain que j’aimerais que Québécor adhère à nouveau. On a essayé, on les a rencontrés, mais sans succès jusqu’ici. Je te dirais que la décision leur appartient et c’est hors de notre contrôle.

Quelles sont les grandes priorités du prochain président du Conseil de presse?

Le financement, le financement et encore le financement! Si le Conseil de presse ne parvient pas à se financer comme il le faut, son existence même est menacée. Le Conseil manque d’argent, des ressources nécessaires pour assurer son mandat. Nous avons même dû puiser dans le fonds de réserve, déjà pas énorme.

Le financement du Conseil est assuré par ses trois parties prenantes : Les entreprises de presse, à une hauteur de 60% du budget, les journalistes (par le biais de la Fédération professionnelle du Québec) et le public. Les entreprises de presse ont augmenté leur contribution et c’est difficile de leur en demander plus. La FPJQ contribue à la hauteur de ses moyens, qui sont limités. Le reste vient du gouvernement du Québec, qui représente la part du public. Mais cette subvention n’a pas été indexée depuis vingt ans, ce qui équivaut évidemment à une baisse annuelle.  

Le Conseil de presse est crédible, respecté et reconnu par les médias, les journalistes et le public. L’équipe qui y travaille est qualifiée, solide, et engagée. Alors oui, le financement, c’est la priorité numéro un : le gouvernement doit augmenter sa subvention de manière substantielle et la rendre récurrente, faute de quoi, l’avenir du Conseil de presse n’est pas assuré.

Pierre-Paul Noreau, nouveau président du Conseil de presse

C’est un journaliste et gestionnaire d’expérience qui prend la relève à la présidence du Conseil de presse. Pierre-Paul Noreau dirigeait jusqu’à récemment le journal Le Droit d’Ottawa, à titre de président et éditeur. Il a exercé le métier de journaliste au Soleil de Québec, notamment comme correspondant parlementaire à Ottawa. Au Soleil, il a par la suite gravi les échelons dans plusieurs postes de cadre pour finalement occuper la fonction de vice-président et éditeur adjoint.

Depuis 2019, il est président de la Fondation des prix Michener, qui soutient le journalisme d’enquête au pays et il est membre du Comité consultatif indépendant sur l’admissibilité aux mesures fiscales pour soutenir le journalisme qui détermine quels médias peuvent bénéficier des crédits d’impôts du gouvernement fédéral.

Rejoint le jour de sa nomination, Pierre-Paul Noreau est bien conscient de l’enjeu du financement du Conseil. « Je pense que le cinquantième anniversaire représente une belle opportunité pour mettre en valeur le Conseil », dit-il. « Dans le contexte actuel de méfiance envers les journalistes », ajoute-il, « il y a sûrement de l’éducation aux médias à faire auprès de la population. Le Conseil de presse peut jouer un rôle là-dedans ». Pierre-Paul Noreau rappelle que le gouvernement du Québec a choisi d’investir beaucoup de sa publicité dans les médias pendant la pandémie, qu’il a mis en place des crédits d’impôt qui ont donné un sérieux coup de main. « Quand on considère l’importance du rôle du Conseil de presse, l’effort financier demandé à Québec est bien minime, mais il serait suffisant pour permettre à cette institution essentielle de poursuivre sa mission », conclut-il.

Un dossier à suivre.