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Un code commun de déontologie journalistique, c’est trop demander au Gouvernement du Québec

Par Marc-François Bernier Demander au Gouvernement du Québec d’imposer un code de déontologie commun aux journalistes, c’est lui en demander beaucoup trop après des décennies de laisser-faire. Par Marc-François Bernier Demander au Gouvernement du Québec d’imposer un code de déontologie commun aux journalistes, c’est lui en demander beaucoup trop après des décennies de laisser-faire. Vendredi…

Par Marc-François Bernier

Demander au Gouvernement du Québec d’imposer un code de déontologie commun aux journalistes, c’est lui en demander beaucoup trop après des décennies de laisser-faire.

Par Marc-François Bernier

Demander au Gouvernement du Québec d’imposer un code de déontologie commun aux journalistes, c’est lui en demander beaucoup trop après des décennies de laisser-faire.

Vendredi dernier, Le Devoir nous apprenait l’existence d’un front commun des principales associations québécoises de journalistes syndiqués afin de convaincre la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Christine St-Pierre, d’imposer aux médias un code de déontologie journalistique commun.

Il s’agit de la Fédération nationale des communications (FNC), du Conseil provincial du secteur des communications, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, et de l'Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) qui est affiliée à la FNC.

Indépendamment de ses maigres chances de succès, une telle démarche est révélatrice de l’état des lieux au Québec, province canadienne où sévit un des plus hauts de concentration de la presse en Occident.

On sait que les journalistes québécois sont majoritairement critiques quant aux impacts que la concentration de la propriété et la convergence des médias ont sur la qualité, la diversité et l’intégrité de l’information. Cela a déjà été bien documenté, aussi bien sur les plans statistiques que par l’analyse de leurs commentaires. Cela rejoint aussi bon nombre de témoignages publics de la part des journalistes et de leurs représentants.

On sait que les journalistes de Quebecor, de Radio-Canada et de Gesca partagent généralement les mêmes valeurs journalistiques et une même conception « noble » de l’importance de leur travail en démocratie. Le problème, c’est que leur capacité à produire et diffuser une information pertinente et de qualité diffère d’un conglomérat médiatique à l’autre. Il semble que le mode de propriété et le style de gestion de chaque employeur expliquent les différences entre ces trois conglomérats.

La démarche des quatre associations syndicales trahit un sentiment d’impuissance individuelle de la part de journalistes qui aspirent à faire reconnaître leur professionnalisme, que cela passe ou non par l’obtention d’un statut légal de «journaliste professionnel», comme cela est évoqué depuis quelques années.

En effet, les journalistes ne sont pas des professionnels au sens légal, même s’il est indéniable que, sociologiquement, ils possèdent plusieurs attributs d’une profession. Dans les entreprises de presse, les journalistes, aussi syndiqués soient-ils, demeurent des employés contraints à des obligations de loyauté et d’obéissance aux demande patronales. Bien sur, cela n’interdit pas les discussions, les négociations, les affrontements parfois, mais ils demeurent des employés dont la marge d’autonomie n’est pas celle d’un professionnel reconnu par la loi.

Comment, dans ces conditions, peuvent-ils, pour des motifs déontologiques, refuser de se plier à une injonction patronale, sans subir des représailles de diverses natures, pouvant aller jusqu’au congédiement dans les cas extrêmes? À moins d’agir collectivement, il est très risqué de se livrer à ce genre d’opposition au sein de ce qui demeure tout de même une organisation de travail. Il serait excessif de leur en faire reproche. Mais notons que cela limite leur liberté d’expression.

Même si les journalistes, à titre individuel, étaient favorables à un code de déontologie unique, le Gouvernement du Québec n’a pas l’habitude d’indisposer les entreprises de presse, comme on l’a vu depuis 1970 en matière de mode de propriété, ce qui explique justement le haut taux de concentration de la presse.

Un autre problème se pose, pas insurmontable, mais réel. Dans une société pluraliste, est-il possible d’imposer un code de déontologie unique, alors que le même principe éthique peut être exprimé de façons différentes quand vient le temps de le transformer en règles déontologiques concrètes ?

La dernière difficulté, et non la moindre, réside dans la façon de faire respecter les règles déontologiques une fois qu’elles auraient été reconnues. Un conseil de presse, de par son caractère volontaire propre à l’autorégulation, n’a ni l’autorité légale, ni les moyens, ni la légitimité nécessaire pour imposer des sanctions matérielles qui risquent de faire fuir ses membres, qui contribuent aussi à son financement. Sans compter que Quebecor Media s’est retiré du Conseil de presse du Québec, contrairement à son engagement solennel de 2001, faite aux parlementaires de l’Assemblée nationale du Québec.

Il faudrait alors penser à un autre dispositif plus formel pour sanctionner les transgressions déontologiques, ce à quoi vont s’opposer les patrons de presse et certains journalistes.

En somme, la situation est bloquée pour les journalistes, à moins que le Gouvernement du Québec décide, subitement, de favoriser le droit du public à une information de qualité, diversifiée et intègre. Ce qui implique parfois d’encadrer la liberté des entreprises de presse pour protéger la liberté de leurs journalistes.

 

Marc-François Bernier est Titulaire de la Chaire de recherche en éthique du journalisme (CREJ) de l'Université d'Ottawa et membre du comité éditorial de ProjetJ.

 

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