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Un tiers des journalistes sont en statut précaire

QUÉBEC, congrès de la FPJQ – Après l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) en septembre, c’était au tour de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) de dévoiler les résultats de son sondage maison sur la précarité. Et dans les deux cas, les résultats ne sont pas très encourageants et pourraient bien avoir…

QUÉBEC, congrès de la FPJQ – Après l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) en septembre, c’était au tour de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) de dévoiler les résultats de son sondage maison sur la précarité. Et dans les deux cas, les résultats ne sont pas très encourageants et pourraient bien avoir des conséquences sur la qualité de l’information.

QUÉBEC, congrès de la FPJQ – Après l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) en septembre, c’était au tour de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) de dévoiler les résultats de son sondage maison sur la précarité. Et dans les deux cas, les résultats ne sont pas très encourageants et pourraient bien avoir des conséquences sur la qualité de l’information.

Par Hélène Roulot-Ganzmann

«Un tiers des journalistes se considèrent comme précaires et on les retrouve aussi bien chez les pigistes que chez des salariés, rapporte Dominique Forget, journaliste indépendante et responsable du sondage de la FPJQ. Plus grave collectivement, 85% des 534 répondants pensent que cette précarité a des conséquences nuisibles, voire très nuisibles, sur la qualité de l’information. Ce qui est plus surprenant, c’est que ce taux se retrouve  dans toutes les catégories d’emploi, cadres comme pigistes, salariés comme contractuels et surnuméraires.»

«Ils nous disent que ça pousse à produire un travail de moindre qualité, que ça diminue le sentiment d’appartenance au média, que ça nuit à l’indépendance professionnelle, que ça oblige à faire fi de la déontologie journalistique, que ça fait fuir les bons candidats, que ça ne permet pas un suivi des dossiers, ajoute-t-elle. Surtout, ça mène à occuper des fonctions autres que journalistiques, bien souvent dans la communication institutionnelle, ce qui peut poser des problèmes puisque 63% d’entre eux considèrent qu’ils sont en conflit d’intérêt.»

Même discours de la part de Mariève Paradis, présidente de l’AJIQ, association qui a elle-aussi mené son enquête maison au sujet de la précarité de ses membres. Résultats: 66% des pigistes disent avoir vu leur pouvoir d’achat baisser durant les cinq dernières années. Une réalité plus qu’un simple ressenti puisqu’effectivement, leurs revenus sont 30% en dessous de ce qu’ils étaient en 1981. En conséquence, 27% des journalistes indépendants envisagent de changer de vie d’ici deux ans.

S’appauvrir pour donner le meilleur

«C’est très grave car ce sont des talents qui se perdent, assure-t-elle, et c’est une raison de plus qui vient prouver que oui, la précarité à une influence néfaste sur la qualité de l’information. C’est un argument que nous mettons toujours sur la table à l’AJIQ lorsque nous rencontrons les gouvernements pour qu’ils acceptent de nous doter d’une loi sur la négociation collective. Loi qui obligerait les employeurs à nous proposer des conditions minimales décentes pour rendre un travail de qualité. Rappelons que les tarifs au feuillet stagnent depuis trente ans et qu’il n’est pas rare de devoir signer des contrats abusifs qui nous obligent à céder à la fois nos droits d’auteurs et nos droits moraux.»

Alors oui, la précarité a un impact sur la qualité de l’information… mais, selon Mariève Paradis, il y a aussi nombre de pigistes passionnés par ce qu’ils font, qui vont préférer s’appauvrir plutôt que de rendre un travail bâclé.

«Surtout les jeunes qui veulent se faire un portfolio, précise-t-elle. Ils vont donner le meilleur d’eux-mêmes, quel qu’en soit le prix, parce qu’ils veulent gagner en crédibilité. Les médias le savent et en profitent.»

Discernement

Raymond Lemieux, rédacteur en chef de Québec Science, a accepté le rôle de «méchant de service», comme l’a qualifié avec humour l’animatrice de ce panel, Lise Millette, journaliste à la Presse canadienne et rédactrice en chef du Trente.

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«Moi, c’est tout simple, commence-t-il, le veux travailler avec des journalistes, indépendants ou non, en qui j’ai confiance. J’attends notamment du discernement.  Un journaliste qui aurait fait pour Québec Science une enquête sur l’industrie pharmaceutique et qui, quelques semaines plus tard, se ramasse un contrat pour Fraser, il y a un problème d’éthique certain et je suis à peu près sûr que je ne travaillerai plus avec lui.»

Dans la foulée, il ajoute que le média lui-même peut être précaire. Et de prendre l’exemple qu’il connait le mieux, Québec Science.

«Le rédacteur en chef, c’est celui qui est entre l’arbre et l’écorce, illustre-t-il. Quand l’écorce est très mince, malade, pleine de moisissures et que l’arbre est en train de mourir, on se sent en position inconfortable. Or bien des médias sont aujourd’hui dans cette dynamique. Qu’est-ce qui fait qu’il peut résister au temps? Curieusement, c’est sa capacité à la fois d’innover et de se remettre en question à chaque numéro. Ainsi, lorsque je commande un papier, j’attends plus que du contenu. J’attends évidemment une bonne recherche, une bonne histoire, mais aussi quelque-chose qui va interpeler le lecteur. Et ne nous le cachons pas, il arrive, rarement, mais il arrive que le texte qui nous est livré soit pourri. Il arrive beaucoup plus souvent qu’il soit juste moyen et qu’il faille le retravailler. C’est beaucoup de boulot pour des petites structures.»

Iniquité hommes/femmes

Raymond Lemieux estime également, exemples à l’appui, que les journalistes ne savent bien souvent pas lire leur contrat, ni se vendre, et qu’ils acceptent la republication de leurs textes à un prix minime. Cette incapacité à savoir négocier serait également une des raisons pour lesquelles les journalistes femmes gagnent aujourd’hui encore 14% de moins au feuillet que les hommes, selon le sondage de l’AJIQ.

Alors, devant tant de mauvaises nouvelles pour la profession, un chiffre peut paraître surprenant. En effet, 75% des membres ayant répondu à l’enquête de la FPJQ assurent qu’ils encourageraient un jeune à opter pour une carrière de journaliste. Un chiffre qui démontre combien ceux qui embarquent dans ce métier, dans cette fonction indispensable au bon fonctionnement de la démocratie diront certains, le font par passion, plus que pour atteindre un certain confort matériel.

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