Y a-t-il un avenir pour le journalisme indépendant?
Dans quelques heures, les grandes lignes de ce qui se dégage de la tournée organisée par le média coopératif Ensemble à travers tout le Québec seront dévoilées au participants des États-Généraux du journalisme indépendant organisés par l’AJIQ à l’occasion de son 25e anniversaire. Comment les pigistes à Montréal, Québec, Gaspé ou encore Rouyn-Noranda voient-ils leur avenir? Projet J divulgue quelques éléments de réponse en avant-première.
Dans quelques heures, les grandes lignes de ce qui se dégage de la tournée organisée par le média coopératif Ensemble à travers tout le Québec seront dévoilées au participants des États-Généraux du journalisme indépendant organisés par l’AJIQ à l’occasion de son 25e anniversaire. Comment les pigistes à Montréal, Québec, Gaspé ou encore Rouyn-Noranda voient-ils leur avenir? Projet J divulgue quelques éléments de réponse en avant-première.
Par Hélène Roulot-Ganzmann
Trente localités traversées en deux mois, près de 130 intervenants, 39 heures d’enregistrement. Au printemps, quelques membres de la Coopérative du journalisme indépendant, éditrice du journal Ensemble, a mené une étude à grande échelle pour écouter les pigistes des quatre coins de la province, comprendre leurs problèmes et entendre leurs pistes de solution.
Ainsi, pour beaucoup, l’avenir paraît sombre et d’indépendance journalistique, il n’y a plus vraiment. Principales causes, les tarifs au feuillet qui n’on pas augmentés depuis les années 70 et qui obligent les journalistes à accepter du travail dans d’autres domaines, parfois même dans la publicité. Et la tendance à la concentration et à la main mise des conglomérats sur l’information, notamment en région.
Plusieurs intervenants dénoncent un rapport de force déséquilibré entre les pigistes et les éditeurs, qui rend la négociation impossible et oblige à accepter des contrats abusifs.
«Si tu cèdes tes droits, tu te brûles toi-même», estime par exemple Guillaume Roy, journaliste au Lac Saint-Jean.
Des risques à assumer
La précarité du métier revient en permanence dans les échanges. Précarité qui dans certaines régions, notamment sur la Côte Nord, en pousse certains vers la sortie, appelés qu’ils sont par la promesse d’une meilleure rémunération dans les emplois liés au Plan Nord. Problème soulevé par cette fuite des plumes, un trop grand roulement de journalistes et un manque de profondeur, conséquence de la méconnaissance des enjeux locaux.
La difficulté d’être journaliste, donc de poser un regard critique, est également souligné chez les professionnels appartenant à une petite communauté.
Journaliste à Gaspé, Mathieu Drouin-Crête fait valoir que «les petits milieux ont la mémoire longue». Il affirme que ses positions parfois tranchées, notamment lors de la crise étudiante l’an dernier, le placent sur la liste noire de certains patrons.
Dans les communautés autochtones, la pression sociale serait telle qu’il serait difficile de pratiquer son métier en toute objectivité. À Kuujjuaq, William Tagoona estime qu’être journaliste, c’est être curieux et avoir l’esprit critique, ce qui ne serait pas, selon lui, dans la culture inuit. Il s’est ainsi souvent vu reprocher de «faire une job de Blanc.»
Les risques sont même parfois plus grands. Ainsi, lors de l’étape de Mashteuiatsh, le journaliste Roger Dominique raconte que ses fenêtres ont déjà fait l’objet de tirs à la carabine à plombs. S’il dit s’y être habitué, il comprend que cela puisse en refroidir d’autres, notamment chez les jeunes.
Résistance et éthique
[node:ad]Au chapitre des frustrations, certains journalistes indépendants disent avoir du mal à gérer l’isolement tant moral que physique. Certains ressentent également un manque de reconnaissance de la part de leurs confrères œuvrant dans les conglomérats. Comme si le fait d’être en dehors du système ne pouvait pas être un choix, mais forcément la preuve d’un manque de réussite.
Malgré cela, nombre de journalistes entendus lors de la tournée restent persuadés de faire le plus beau métier du monde et surtout, un métier indispensable au bon fonctionnement de la démocratie.
À Trois-Rivières, Sébastien Dulule parle «d’un travail de résistance et d’éthique.»
À Lévis, Alexandre Falardeau estime quant à lui qu’être journaliste, c’est s’engager à défendre la vérité face aux puissants. D’où la nécessité de rester libre, tout en étant un tant soit peu outillé.
Vers des actions collectives?
Mais la tournée n’en est pas resté à écouter les plaintes des journalistes. Son but premier était de trouver et de creuser des pistes de solution.
Le contrat type défendu depuis plusieurs années par l’AJIQ et son corolaire, la négociation collective, un statut reconnu de journaliste professionnel, comme proposé par Dominique Payette dans son rapport sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec en février 2011, intégrer de l’éducation aux médias dans les programmes scolaires dès le secondaire afin de sensibiliser la population à l’importance de bénéficier d’une presse libre et indépendante, mais aussi la mise en place d’un statut officiel de journaliste indépendant sur le modèle de ce que propose l’Union des artistes (UDA), sont autant d’idées qui reviennent dans les discussions.
Quoi qu’il en soit, ils sont nombreux à penser que leur salut passera nécessairement par des actions collectives et par une meilleure solidarité entre eux. Le fait d’avoir accepté de prendre un peu de leur temps pour venir discuter de leur situation est sans doute déjà un premier pas franchi.
Reste à savoir ce qui découlera de cette vaste enquête et si les journalistes indépendants accepteront de perdre un peu de leur liberté en se fédérant derrière un porte-étendard. Premiers éléments de réponse cet après-midi lors des discussions qui auront lieu aux États-Généraux de l’AJIQ.
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